Confessions d'un journaliste | Christian Roudaut

Entretien avec Christian Roudaut

Christian Roudaut est journaliste écrivain depuis une vingtaine d’années. Il a commencé sa carrière comme journaliste politique avant de devenir correspondant à Londres, notamment pour Radio France, Arte et Marianne de 2000 à 2011. Il est l’auteur de six livres : l’Entente Glaciale ; Ces croyants qui nous gouvernent ; France je t’aime je te quitte ; Ils sont fous ces Anglais ! ; Chefs des chefs ; Au service du Palais. A ce titre, il intervient régulièrement comme consultant dans les médias (BFM TV, LCI, Radio France, BBC…) Depuis son retour en France, Christian Roudaut collabore régulièrement à la chaîne Arte et à M Le magazine du Monde. En juin 2014, à l’occasion de la visite d’état d’Elizabeth II, il a réalisé le film documentaire Elysée, à la première table de France pour la chaîne France 5.

Le métier

Qu’est-ce qui vous plaît dans le métier de journaliste ?

La diversité des rencontres. Un jour, je peux interviewer un ministre, un chef étoilé, un historien, un jeune entrepreneur, le lendemain un étudiant étranger, un môme de banlieue, un paysan en colère, un SDF. Tous ont une histoire, un témoignage, un éclairage à apporter. C’est un métier dans lequel vous vous enrichissez tous les jours de ce que les gens vous racontent.

Avec la révolution Internet, est-il difficile de s’adapter et de se faire payer ?

Je n’ai travaillé que pour des médias « traditionnels » (RFI, Radio France, Arte, Marianne, ELLE, Le Monde…) jamais pour des « pure players » type Huffington Post ou Atlantico… Je sais que certains d’entre eux ne rémunèrent pas les articles. C’est un principe qui me gêne. Je dois être vieux jeu mais je considère que, même à l’heure d’internet, tout travail mérite salaire.

Croyez-vous que les éditeurs profitent de la profusion d’auteurs ?

S’ils en « profitent », je crois que leurs profits restent bien cachés car les maisons d’édition s’en sortent difficilement. Il y a de plus en plus de livres publiés et de moins en moins de lecteurs. Cherchez l’erreur ! Je crois qu’en revanche des mastodontes comme Amazon profitent d’une « main d’œuvre » pratiquement gratuite. Ils vendent à 0,99 euros des e-books écrits par des auteurs amateurs. De ce que j’en ai lu, la qualité est rarement au rendez-vous !

Le journalisme est certainement l’un des métiers les plus dangereux. Est-ce que vous avez déjà eu peur ? Par exemple, lorsque vous étiez à Peshawar, au Pakistan ?

Je ne me suis jamais senti en danger dans l’exercice de mon métier. Même lorsque j’étais à Peshawar, en septembre 2001, alors que j’attendais, comme tous mes confrères, l’invasion de l’Afghanistan. Il faut restituer les choses dans leur contexte : le journaliste Daniel Pearl n’avait pas encore été sauvagement assassiné. Nous ne savions pas que nous pouvions être des cibles. Ce n’était pas encore l’heure des tuniques orange et des vidéos macabres diffusées sur internet. Jamais aujourd’hui je n’irai me balader les mains dans les poches dans les rues de Peshawar comme en 2001. Sinon, j’ai pu faire d’autres reportages dans des coins un peu chauds, comme les quartiers protestants de Belfast par exemple, mais je ne suis pas correspondant de guerre et mon métier tel que je le pratique n’est pas plus dangereux qu’un autre.

 

Belfast WikipediaBelfast - Photo Wikipedia

En Grande-Bretagne

Vous avez vécu et travaillé de nombreuses années à Londres. Est-ce qu’il y a des différences dans le traitement de l’info entre l’Angleterre et la France ?

La puissance de feu des journaux britanniques est sans commune mesure avec celle de la presse française. On trouve en Grande-Bretagne, le pire (Le Sun ou le Daily Express) comme le meilleur (la BBC, le journal de Channel 4 de l’excellent Jon Snow). En France, je ne regarde plus les JT tellement on n’y apprend rien. Un peu d’info au début et ensuite c’est un enchaînement de petits sujets sans conséquence que j’appelle les sujets « vache à douze pies »

On voit aujourd’hui certains magazines en France consacré 80% de leurs articles sur la peur d’une religion ? À votre avis, est-ce que les médias participent vraiment à la construction d’une société saine ? Informent-ils ou désinforment-ils ?  Faut-il pratiquer parfois l’autocensure ? 

Ne jamais poser quatre questions à la fois vous n’obtiendrez qu’une seule réponse (Rires). Je rappellerais tout de même que la montée du fanatisme islamique n’est pas une création journalistique : ce n’est tout de même pas CNN ou Fox News qui a fait se crasher deux avions dans les Twin Towers ! Après, tout est effectivement question de mesure. En France, il y a deux obsessions médiatiques : l’extrémisme musulman et l’extrême-droite. L’un et l’autre ne cessent de recruter, y-a-t-il un lien de cause à effet ? Je laisse la question en suspens faut d’avoir la réponse.

Pourquoi avez-vous quitté la Grande-Bretagne ?

Après douze ans comme correspondant, j’avais atteint mon quota de « marronniers » : trop de reportages sur les soldes à Londres, le « crunch » Angleterre-France ou le discours du trône de la Reine. J’avais depuis longtemps dépassé la date de péremption pour un correspondant.

Qu’est-ce qui vous manque le plus de l’outre-Manche ?

L’énergie positive que dégage Londres. Ce sentiment (sûrement exagéré) que tout y est possible. La liberté. Et aussi (pardon pour le cliché) : le sens de l’humour des Anglais et plus précisément, leur sens de l’autodérision (c’est si peu français). Leur courtoisie (c’est si peu parisien !)

Et le moins ?

Tesco, la nuit qui tombe à 4 heures pendant l’hiver, l’obsession anglaise pour les plus-values immobilières

Tesco-Extra-supermarket-006

agenda à géométrie variable

Quel serait votre conseil à un novice dans le monde journalistique ?

Ne jamais écouter les conseils d’un journaliste de plus de 45 ans !

Comment arrivez-vous à concilier la vie de journaliste, d’écrivain et de père de famille?

Je ne sais pas si j’y arrive si bien que ça pour être franc ! Lorsque j’écris un livre, je travaille tard le soir ou tôt le matin lorsque tout le monde dort. Quant à mes reportages en presse écrite ou en télé, certaines périodes sont plus intenses que d’autres. J’ai vraiment un agenda à géométrie variable. Et ça me plaît : je ne me suis jamais imaginé avoir un boulot avec des horaires de bureau.

Au service du Palais

Pourriez-vous nous parler de votre dernier livre ?

J’ai co-écrit Au service du Palais avec Bernard Vaussion, l’ancien chef de l’Elysée. Le livre est un voyage historico-culinaire : 40 ans aux fourneaux de Pompidou à Hollande. La cuisine est un excellent révélateur du tempérament de nos présidents. Dis-moi ce que tu manges et je te dirais comment tu gouvernes. Le livre a connu un beau succès. Je m’en suis inspiré pour réaliser un film documentaire sur les cuisines de l’Elysée diffusé l’an dernier sur France 5.

FORMIdea Paris, le 1er novembre 2015.

Suivez Christian Roudaut sur Twitter @ChRoudaut

Son site : http://christianroudaut.com/

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November 9, 2015