Interview avec Alex Evans

L'ART DE DESSINER

Alex Evans est diplômé en Art Dramatique de l'Université de Hull et a suivi des études de théâtre à la Wimbledon School of Art. Ses dessins ont été exposés dans de nombreuses galeries britanniques notamment à Galerie Anis, MK Galerie, Buy Art Fair et CueB Galerie. Ses projets participatifs internationaux comprennent des collaborations multidisciplinaires avec des théâtres, des écoles, des musées, des galeries et des espaces publics en Finlande, au Japon, en Australie et aux Maldives. Il vit et travaille à Londres."J’ai effectué des recherches et observé de multiples maquettes de projets architecturaux. Certaines ont abouti à des chantiers, d’autres sont restées dans les tiroirs. D’autres encore relèvent de l’utopie et j’ai, ce faisant, exploré différents courants de la planification urbaine : du mouvement « Garden city » d’Ebenezer Howard aux plans futuristes de l’italien Antonio Sant’Alia. Mon travail croise ainsi une confluence d'idées entre les villes du futur, historiquement imaginées, et d’anciens raisonnements géométriques et principes mathématiques.Les villes que j’imagine, auxquelles je donne vie et que j’élabore, n’existent ni dans le passé ni dans l'avenir. Elles ne sont pas des solutions à des problèmes urbains et elles ne sont certainement pas des lieux habitables. Quand je dessine je ressens un besoin inhérent de décrire un monde meilleur, et d’engendrer une Utopie au crayon de mine. Cependant il peut alors venir se glisser dans cet ordre méticuleux le fantasme inconscient d’une contre-utopie où les excès du développement urbain se heurtent à l’ordre harmonieux et naturel des mathématiques au-delà de l’échelle humaine."

Pierre Scordia: Alex, je suis vraiment impressionné par votre travail ! Quel est votre secret pour être si patient et méticuleux dans vos dessins ?

Alex Evans : Je pense que le dessin est une façon pour moi d'exprimer mon désir pour un certain type d'immobilité ou d'engagement. C’est un travail reposant à faire. Dans le dessin, je peux me concentrer sur quelque chose de simple, avec un œil méticuleux et rendre un espace imaginaire. Je ne suis pas sûr qu'il y ait un secret à ma patience ! C’est juste une envie de dessiner. Le dessin m’a toujours attiré mais je suppose que j’apprécie avec l’expérience le détail et les mines fines.

Photo Credit MALCOLM CROWTHERS

Méditez-vous lorsque vous dessinez ? Écoutez-vous de la musique tout en dessinant ?

Lorsque je dessine, j’écoute de la musique, je chante, je me parle. Je peux aussi écouter la radio ou avoir Netflix dans un coin de la pièce. Quelquefois, je choisis le calme et je reste totalement silencieux. Je n’appellerais pas cela de la méditation, mais habitant Londres, je pense qu’on ne peut qu’apprécier les moments plus paisibles ! Récemment, j’ai réalisé un court métrage montrant tout le processus de création dans mes dessins – j’ai trouvé ça captivant !

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Quelle est la source de votre inspiration ?

Je puise mon inspiration dans des sources très diverses. Je lis des livres et utilise parfois Internet. L’année dernière, j'ai dédié une bonne partie de mon temps à la recherche. En ce moment, je suis vraiment influencé par plusieurs mouvements : les systèmes d'auto-organisation complexes, la conception islamique, le modernisme du 20e siècle, le futurisme italien, les cunéiformes, le travail d'Alan Turing et celui de Buckminster Fuller. Dans un premier temps, toutes ces lectures sont en cours de traitement dans ma tête et ensuite dans mon studio, j’esquisse et j’explore à travers le dessin.

J’ai remarqué qu’on voit souvent dans votre travail de nombreux gratte-ciel. Pourquoi avez-vous une telle fascination ou obsession ?

Les gratte-ciel sont l'emblème ultime de la ville. Ils représentent les sommets de la connaissance, de la richesse, du pouvoir, de la civilisation. Ils expriment les désirs et les idéaux de nombreuses générations et ce sont de magnifiques systèmes complexes. Je me suis toujours intéressé aux villes, mais je dirais que ma fascination tient au fait que j’ai grandi à Milton Keynes, une ville récente d’Angleterre. Elle a été créée en 1967 et en était donc encore à ses balbutiements lorsque j'y ai vécu dans les années 80 et 90. Grandir dans un tel endroit, en constante évolution et en développement continu était fascinant. Je m’y rends encore régulièrement et le sens de l'émerveillement par rapport à ce lieu ne m'a jamais quitté. Je crois que quand je dessine toutes ces villes, il y a chez moi une recherche de ce même sens de l'enchantement ou bien une volonté de maîtriser l’environnement.

Est-ce que Manhattan serait l'endroit idéal pour vous ?

Manhattan est bien sûr une de mes grandes sources d’inspiration.Bien sûr que j’aimerais dessiner des esquisses du paysage urbain new-yorkais et d'y explorer les modèles architecturaux. Il n’y a pas très longtemps, je suis allé travailler à Sydney et je suis tombé amoureux du paysage urbain de cette grande métropole australienne – en particulier son port, Harbour City. Un autre endroit sublime qui m’a fasciné, c’ est l'Alhambra à Grenade ! D’autres lieux pourraient être une source d’inspiration : Singapour, Hong Kong, Dubaï - Je tiens à les dessiner. Il ne me reste plus qu’à y aller !

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Avez-vous déjà vécu à l'étranger ? Si oui, trouvez-vous cela enrichissant ?

J’ai eu l’opportunité de travailler dans un certain nombre de résidences internationales. Récemment, j’ai mis en scène une pièce avec de jeunes Australiens pour l’Australian Theatre à Sydney. Auparavant, je suis allé en résidence dans le cadre du programme de recherche sur les requins et les baleines aux Maldives. Là-bas, j’ai participé à un projet artistique avec les communautés locales de l'île pour un festival. J’ai eu aussi la chance de me rendre à Tokyo et de travailler sur la régénération de nombreux cours d'eau sous-utilisés de la ville. Toutes ces expériences ont été enrichissantes.Je découvre le monde en tant qu’artiste et je me lie avec de merveilleux collaborateurs aux quatre coins de la planète - ce sont là les faits saillants de ma carrière !

Photo Alex Evans New York City 898_n

Avez-vous déjà suivi une art-thérapie ?

Je n’ai jamais suivi d’art-thérapie en tant que client, mais souvent quand j’enseigne ou lorsque je travaille dans les communautés, il y a bien sûr une prise de conscience que l’oeuvre que nous créons ensemble est une sorte de thérapie bienfaisante. Les gens se sentent mieux en consacrant une partie de leur temps à l'art. Ils sont capables de communiquer un message qu'ils ne pourraient pas autrement exprimer – C’est la raison pour laquelle les arts sont si importants et que les projets artistiques devraient être soutenus par les gouvernements, les institutions et le monde. C’est une évidence mais qui, malheureusement, n’est toujours prise en considération !

Quel serait votre conseil à quelqu'un qui rêve de devenir artiste à Londres?

À certains égards, Londres est ville difficile pour réussir, surtout dans les industries créatives. Il est important de rappeler qu'on doit y travailler dur et qu’il faut traiter le processus créatif comme une entreprise : quelque chose qui est de vous sans que cela soit la seule chose qui vous définisse. Être artiste est tout autant un travail qu'un mode de vie ; vous avez besoin d'avoir la peau dure et de posséder un véritable intérêt envers les autres personnes et la scène artistique en général. Comme conseils, je dirais d’aller à beaucoup de galeries, de trouver des gens qui comprennent ou apprécient votre travail, de participer aux concours quand vous le pouvez, et surtout de faire du grand art, d’avoir du plaisir et d'être sympa.

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Y-a-t-il plus de possibilités à Londres ?

C’est vrai que l’immensité de Londres nous donne cette impression qu’il y a ici plus de possibilités, notamment pour se faire des relations. Cependant, on doit faire face d’une part, à une énorme concurrence pour obtenir une bourse ou un financement et d’autre part, à un coût de la vie exorbitant. Néanmoins, le jeu en vaut la chandelle car il n'y a aucun autre endroit dans le monde comme Londres. C’est un lieu unique à de nombreux égards et une ville merveilleusement belle. Pourtant, il m’arrive souvent de vouloir m’échapper de cette folie londonienne et de m’évader dans la nature, dans un havre de tranquillité.

Où aimeriez-vous présenter votre travail ? Et pourquoi ?

J’étudie actuellement de nouvelles perspectives dans mon travail. J’aimerais m’éloigner légèrement du dessin et explorer des techniques de fabrication industrielle, me lancer dans l'impression 3D, dans la gravure sur le verre ou sur le métal.Je suis fasciné par les nouvelles technologies, ainsi je pense aux techniques cinématographiques et à la réalité virtuelle, Oculus Rift. J’aimerais beaucoup collaborer avec les musées, les entreprises et les institutions que cela intéresse de soutenir mes pistes de recherche ou bien travailler aux côtés d’organisations architecturales et urbanistes. Il y a tellement de choses que je voudrais faire ; Je travaille très dur pour la réalisation de ces idées et cela se révèle être une expérience agréable!

Pensez-vous qu'il ne faille qu’avoir du talent pour réussir dans le monde artistique?

Cela dépend de la définition que l’on donne au mot « réussite ». L'argent et le bien-être sont deux choses, souvent sans rapport entre elles. Personnellement, je crois qu’on doit travailler dur, être ouvert, profiter de ses idées et accepter le risque afin d'obtenir un certain succès, mais là encore je peux me tromper. L’avenir nous le dira.

Avez-vous d'autres engagements professionnels ?

Je suis metteur en scène, animateur en art et pédagogue en créativité artistique à Londres et à l'étranger. Je travaille en partenariat sur de nombreux types de projets. Ce côté polyvalent est exigeant, mais extrêmement gratifiant car je vois la créativité et le bien-être se développer chez les jeunes que je dirige. Professionnellement, je travaille pour un certain nombre d'entreprises, d’organisations caritatives, de musées, d’ONG ou d’organismes artistiques financés, si bien que chaque jour est différent.

Alex, avez-vous un rêve ?

En voilà une question difficile… Oh la la !

Londres, le 20 avril 2016 - FORM-Idea.com

Traduit de l'anglais par Pierre Scordia & Anne Berthier 

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La Belle et le Pont | Interview avec Alex Evans

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Photo2 Credit MALCOLM CROWTHERS

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