Le pressentiment de décembre

Autrice : Oksana Lychkovska

русский вариант 

C’est un ciel bas de décembre par temps de pleine lune, mais l’astre est encore éclipsé par les nuages. Les arbres froids et dépouillés sont debout dans une demi-obscurité grillagée et ajourée d’un petit rideau. Ni ténèbres, ni lumière : le crépuscule, le moment entre chien et loup comme disent les Français. Le silence assourdissant de la solitude pénètre jusqu’au bout des doigts. « J’aime donc, que ces mots sont étranges ! » - pense-t-elle - « A quoi bon exprimer tout haut ce qui est évident? ». « J’aime, » - répète-t-elle, - « mais je ne sens rien, ni joie, ni douleur, ni extase, émotions qui voudraient se répandre mais qui n’ont plus le pouvoir de dépasser la limite corporelle. Pourquoi ? » La lumière crépusculaire derrière le rideau devient de plus à plus terne, les ténèbres s’avancent à chaque battement du coeur, elles sont là, tout près ; l’aboiement d’un chien et le silence revient. « Quel supplice », - la douleur se ressent dans sa tête, - « quelle injustice ! », la raison fait écho : «  la passion atteint la limite des sens, mais son attrait n’en a pas». « Et l’amour ? » « Qu’est-ce que l’amour ? Serait-il infini et éternel alors qu’il ne pardonne rien?» « Elle ne lui pardonne pas et lui, il ne lui pardonne pas non plus ». Et, de nouveau, elle ne retrouve pas la réponse.

- « Mais on dit qu’il est infini et qu’il accorde sa miséricorde à tous. » 

- « Et qui t’a dit cela? L’amour c’est la soif que chaque gorgée ne peut altérer, c’est la soif de posséder, la soif de vaincre, la soif d’aller atteindre le but... » 

- « Non, pas du tout, ce que tu me dis, ce n’est qu’une passion, une passion aveugle et cruelle, folle et dépendante. L’amour, ce n’est pas le sommeil sans réveil, c’est la force de se donner totalement et de prendre, de donner et de prendre de nouveau à n’en plus finir. »

« Au diable, - pense-t-elle, - j’ai envie d’une tasse du thé chaud et même brûlant, - il chassera ce cafard et éclaircira les pensées, il dissipera les questions stupides auxquelles on n’a pas de réponse, il semble qu’il y a même des heureux mortels qui n’y répondent pas ».

©Vera Topalova

La nuit est à son apogée ; derrière la bordure ajourée du rideau, chuchotent les épaisses ténèbres : « tu es une drôle de femme, que tu es étrange ! Est-ce qu’il existe des réponses aux questions ? Les questions, elles-mêmes, sont imaginaires. Tu as trop longtemps contemplé les ténèbres, elles sont toujours silencieuses. Ne le savais-tu pas? Elles engendrent des rêves porteurs de réponses. Ouvre ton coeur à cet infini, laisse-le entrer en toi, et il te fera découvrir qui tu es... »

Les ténèbres chuchotent toujours, elles chuchotent tout le temps.Et le thé brûlant ne l’est plus, il est devenu tiède et fade.

Alors, que me faut-il faire ? - répétait-elle machinalement, - que me faut-il faire ? » « Tu le sais, tu le sais, - le silence faisait chorus avec elle : « Faire, faire ? » « Sais, sais ». « Faire, faire ? » « Sais, sais ». « Faire, sais, faire ». « Aire – aire, ais – ais » « Aire – aire, ais – ais » « Aire – ais » « Aire – ais.» Sur le mur, la pendule égrène imperturbablement les secondes : « Aire – ais » « Aire – ais », « Aire – ais » « Aire – ais »... Et la pleine lune au sourire insensible et mystérieux jette un coup d’œil par-dessus la fenêtre et fait écho au balancier ; « Oui – non, non – oui, oui – non, non – oui, oui – non, oui, oui, oui... »

FΩRMIdea Paris, le 28 décembre 2016. Читайте на русском языкеTraduit du russe par l'auteur, Oksana Lychkovska. Avec nos remerciements à Sylviane Demichel pour l'édition française. 

FΩRMIdea Paris

FΩRMIdea News 

News : facebook.com/formidea

Arts & Wisdom : facebook.com/newsformidea

 

Suivez notre actualité

Facebooktwitterlinkedinrssyoutubeinstagram

Oksana Lychkovska

Contact - Diogène en banlieue

December 23, 2016

Love: a return to the hive

December 29, 2016