Jean IV (duc de Bretagne de 1364 à 1399)

L’ANGLOPHILIE DE JEAN IV, DUC DE BRETAGNE 

Auteur : Pierre Scordia

 

Dans la plupart des cours européennes au Bas Moyen-âge, la diplomatie que mènent les Montfort à Nantes est fort complexe et dépend avant tout de la personnalité et des intérêts particuliers du prince. Il oriente sa politique en vue d’étendre ou de conserver son autorité ; rien de nouveau. Si une vieille alliance commence à affaiblir ou à menacer son pouvoir, il complote contre son allié et peut même lui déclarer la guerre. Au nom de la sacro-sainte alliance liant les Stuart d’Écosse aux Valois de France, la dynastie des Montfort, installée sur le trône de Bretagne grâce à l’appui de l’Angleterre lancastrienne, scelle un pacte de soutien mutuel afin de s’assurer une prépondérance politique et militaire sur la puissance ennemie commune : la France.

Le duc de Bretagne, Jean III, meurt en 1331 sans descendance directe et sans consigne concernant sa succession. Deux prétendants disputent la couronne ducale : son demi-frère, Jean de Montfort, comte de Montfort l’Amaury et seigneur de Guérande et Jeanne de Penthièvre, fille du frère de Jean III (Guy de Penthièvre), mariée à Charles de Blois, le neveu du roi de France.

Cette dispute déclenche une guerre de Succession en Bretagne entre les Penthièvre et les Montfort. En 1341, le roi d’Angleterre Edward III prend parti pour ces derniers et intervient militairement dans la péninsule armoricaine ; ce débarquement des troupes anglaises sur le Continent marque le début de la Guerre de Cent Ans selon de nombreux historiens français. Cette opération n’est pas désintéressée ; en effet, la péninsule armoricaine représente un enjeu stratégique pour l’Angleterre car elle favorise les échanges et facilite les communications avec le grand duché d’Aquitaine, source de revenus considérables pour les Plantagenêt qui en sont propriétaires. Or, l’Aquitaine, théoriquement fief de la couronne française, suscite la convoitise de l’administration royale qui, avec peine, tente de s’ingérer dans les affaires du duché.

En échange de l’aide militaire anglaise, les Montfort soutiendront les prétentions d’Edward III au trône de France. Ils ne voient aucune contradiction à détrôner Jeanne de Penthièvre en écartant de fait les femmes de la succession de Bretagne tout en appuyant les prétentions du Roi d’Angleterre qui revendique les droits de sa mère, Isabelle de France, Reine d’Angleterre ; il devient ainsi le seul descendant légitime de Philippe IV le Bel. Ce cynisme caractérise le XIV° siècle.

Jean IV, premier duc de la nouvelle dynastie des Montfort (fils de Jean de Montfort et de Jeanne de Flandre), est probablement le souverain breton le plus anglophile. Elevé à la Cour d’Angleterre, sous la bienveillance du roi Edward III, Il débarque en Bretagne en 1362 à la tête de troupes anglo-bretonnes. Deux ans plus tard, il vainc à Auray ses adversaires pourtant soutenus militairement par la France. Dès lors, il est surnommé « Jean le Victorieux » dans les chroniques.

Jean IV aime à s’entourer d’Anglais à sa cour. Ses deux premières épouses, Mary d’Angleterre (fille d’Edward III) et Joan Holland,[1] de même que son trésorier et receveur-général, Thomas Melbourne, ainsi que d’autres membres de son hôtel viennent d’Outre-manche. Ses sentiments anglophiles sont d’autant plus forts qu’il jouit de ses pleins droits sur le comté de Richemont, riche fief anglais. En effet, en 1372, Jean IV signe une alliance avec l’Angleterre contre la France afin de récupérer les droits ancestraux des Ducs de Bretagne sur le comté de Richemont. Richard II le lui confisque en 1381 lorsque Jean IV signe le second traité de Guérande avec la France. En 1398, lors de son dernier séjour en Angleterre, Jean IV reçoit à nouveau ses droits d’usufruit sur Richemont et est nommé chevalier de la Jarretière par Richard II.

Jean IV, duc de Bretagne

Armoiries de Jean de Montfort

Mary d'Angleterre, duchesse de Bretagne

Au cours de son règne, Jean IV est confronté à une rébellion des seigneurs bretons mécontents de sa politique, ce qui l’oblige à se réfugier en Angleterre. Ce n’est pas tant sa politique anglophile qui est remise en question que sa tentative de centralisation du pouvoir. Comme partout ailleurs en Occident, les nobles se liguent quand leurs prérogatives féodales sont menacées. Cependant, le duc est très vite rappelé par les grandes familles bretonnes, y compris les Penthièvre et retrouve sa couronne en 1379 après l’échec de la tentative d’annexion de la Bretagne par les troupes françaises.

[1] La mort de la duchesse Joan Holland, en 1384, fut un événement important dans le déclin de l’influence anglaise à la cour de Bretagne.

FORM-Idea Nantes, le 04 avril 2017.

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April 1, 2017