Interview avec Laurie Gabay
Depuis quand peignez-vous ?
Laurie Gabay: Depuis environ 25/30 ans ou plus. J’ai commencé assez tard en fait.
Qu’est-ce qui vous a poussée à peindre ?
La rencontre avec mon mentor. Lors d’un week-end consacré à la photo et à la peinture, j’ai rencontré un artiste-peintre qui m’a dit que j’avais du flair pour la couleur et qu’il fallait que j’exploite ce ‘talent’ d’une manière ou d’une autre. Il m’a conseillé de venir peindre dans son école un jour par semaine, ce que j’ai fait pendant 5 ans. Il m’a tout appris, notamment à regarder.
Dans certaines de vos peintures, on devine des pas de danse. Pourquoi ?
Oui parce que cela fait partie de mon identité. J’ai fait de la danse à partir de l’âge de 5 ans, danse classique, danse contemporaine et jazz ; cette activité a toujours fait partie de ma vie. Et ma vision de tout ce que je regarde dans le monde en tant qu’observatrice est à travers les yeux de la danseuse en mouvement. Que ce soit les éléments de la nature (mer, montagne, végétation, êtres humains, animaux, et même objets dans l’espace,) tout se meut dans un même mouvement.
La danse rudoie trop souvent le corps. Regrettez-vous de l’avoir pratiquée ?
Non, absolument pas, même s’il m’en a coûté beaucoup (haha). La danse demande une très grande discipline, une auto discipline. Elle demande beaucoup au corps, à l’esprit, toutes ses exigences sont utiles pour la vie (se tenir droit, le port de tête…).
La danse donne un sens musical, apprend le rythme, inspire et n’existe qu’avec la musique. C’est la parfaite harmonie qui a un coût car oui, elle développe le corps de l’athlète mais a des conséquences désastreuses sur les articulations, les pieds etc. Mais la passion a toujours un coût et elle en vaut la peine.
Utilisez-vous des photographies pour vos peintures de danseuses ? Ou peignez-vous des danseuses lorsqu’elles dansent en studios ou lors d’un spectacle ?
Oui, j’utilise des photos de danseurs, des images, tout ce que je vois au cours d’expos, spectacles de danse, et c’est un point de départ pour commencer à peindre. Oui il m’arrive d’aller dans des studios de danse et de dessiner en observant. Ce sont des sketches très rapides.
Quels sont les artistes qui vous ont influencée ?
Ils sont nombreux, la liste est longue et elle change à travers les années et l’expérience.
J’aime beaucoup Kees Van Dongen, sa fluidité et son excentricité, les couleurs qu’il a utilisées, Toulouse-Lautrec, ses dessins sont sublimes, Soutine, Lee Krasner, Nicolas de Stael…
Est-ce que le fait de vivre à Londres a changé votre style artistique ?
Oui beaucoup. Je pense que Londres m’a permis de m’envoler et de m’exprimer plus librement. Le Royaume Uni est beaucoup plus ouvert à tout art qu’ailleurs et même si la difficulté est la même partout, il y a une certaine liberté qui est là, qui existe, malgré une très grande exigence artistique aussi. Et c’est cela que j’aime, une exigence sous-jacente avec une apparence de grande liberté d’expression. J’ai pu essayer et essaie toujours différentes techniques, différents médiums et la recherche est perpétuelle, j’ai la chance d’avoir un grand soutien de mes ‘peers’ (amis artistes).
On aime beaucoup aussi vos dessins. Diriez-vous que le dessin est plus difficile que la peinture car il demande plus de précision et de détails avec les formes ?
Ce sont deux techniques et des approches assez différentes. Le dessin est la base de quelque chose qui commence dans la tête, on y travaille, on transforme, on enlève et on rajoute, mais sur papier il y a quelque chose de fragile avec le dessin, s’il est crayon ou fusain ou pastel, ces deux derniers privilégient quelque chose de physique avec le support papier. Il y a aussi la façon de dessiner qui rappelle celle qui écrit alors que la peinture se fait au moyen de pinceaux, de doigts etc. On peut dessiner avec la peinture aussi… haha, longue et difficile question.
De vos tableaux, quel est votre préféré, celui que vous refuseriez de vendre ? Pourquoi ?
L’envolée du danseur masculin. Gouache sur photo. Il est minuscule mais je l’aime car ce dessin est très instinctif et spontané. Et le résultat m’a surprise. C’est très difficile de vendre car on se sépare de ses enfants en quelque sorte.
Pourriez-vous nous expliquer votre autoportrait ? Comment vous percevez-vous ?
On nous dit toujours que c’est un bon exercice de faire un autoportrait. J’en ai fait beaucoup et je les ai jetés. Rembrandt en a fait des centaines. Je me perçois avec un visage assez doux, mais du fait que je suis de nature anxieuse, je crois que les yeux sont inquisiteurs envers la personne qui me regarde.
On a l’impression qu’il s’agit du portrait de l’impératrice Joséphine de Beauharnais. Êtes-vous sa descendante ou son incarnation ?
Oh la la, je suis très flattée, j’aurais aimé être son incarnation car elle a eu une vie fascinante.
Non, je n’ai aucun lien de famille avec elle.
Utilisez-vous parfois pour communiquer un autre moyen artistique tel que la sculpture ?
Non, la sculpture ne m’a jamais attirée, j’aime beaucoup la photo et je l’utilise aussi en même temps que la peinture. Je dois dire que dès le début, c’est la peinture qui m’a toujours fascinée et qui m’a passionnée.
form-idea.com Londres, le 21 août 2019 | interviewée par Pierre Scordia et Annie Clein.
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Site : Laurie Gabay Art