La famille du P’tit Manu à Nantes : la suite mais pas la fin…

Tout va pour le mieux dans leur petit monde idéal, preuve que l’éthique socialiste des parents du P’tit Manu a été gratifiante. Grâce à son adhésion au socialisme puis au nouveau parti au pouvoir, Antoinette, sa mère, est parachutée à la présidence des Pays de la Loire. Malheureusement, elle n’a pu obtenir[1] la région Val de Loire comme elle le souhaitait parce que le chef voulait y placer son ex, véritable groupie du Président dès la première heure. Un vaillant combat contre une telle adversaire n’en valait pas la peine [2] ; un poste à Nantes n’est pas sans prestige.  

Mais démentir[3] que Nantes est bretonne, qu’elle est l’ancienne capitale du duché de Bretagne exige un aplomb à toute épreuve[4]. Et le ministre de l’éducation la conforte dans son audace lorsque, d’un air condescendant et suffisant[5], il lui dit : « Mais on s’en fout[6]. Tu n’as qu’à faire comme au Tibet ou dans le Donbass, tu changes les faits attestés et tu places sur la voie publique des symboles ostentatoires. Tu travailles avant tout pour l’unité nationale. Plus le mensonge est gros, mieux ça passe. Tu verras, les Bretons seront les premiers à dire que Nantes n’est pas bretonne. Les trolls sont là pour t’aider bien que l’art de la tromperie soit une de tes grandes qualités ». Alors, Antoinette change les noms sur le site de sa région : le Château des Ducs de Bretagne se transforme en château de Nantes, la Tour de Bretagne devient la Tour Bretagne, la Cité des Ducs de Bretagne évolue en Cité des Ducs. Il est tellement facile de façonner les esprits aujourd’hui. D’ailleurs, l’inculture galopante est un atout[7] pour « l’élite ».  

Antoinette accorde des bourses[8] généreuses aux étudiants de doctorat qui se consacrent[9] à l’histoire de sa nouvelle région créée en 1956. Elle souhaite que les historiens s’attardent[10] sur l’époque mérovingienne lorsque Nantes fut d’abord franque avant d’être bretonne et surtout qu’ils fassent le lien entre le 7e siècle et les années 50. Que le duché de Bretagne et les Bonnets Rouges[11] passent à la trappe[12] ! Quid[13] du dernier millénaire ! De généreuses subventions seront accordées à tout événement célébrant la nouvelle entité régionale.  

Quant[14] aux accusations, aux pétitions, aux demandes de référendum, elle les ignore. Mais le peuple a-t-il mesuré la portée[15] de sa demande ?  Évidemment non ! Allez, basta avec le passéisme[16] ! Un frisson[17] de supériorité parcourt[18] le corps d’Antoinette persuadée[19] qu’elle incarne la femme politique courageuse et compétente ; les intérêts de l’État et les siens l’emportent[20].  

Jacques, quant à lui, est devenu président du syndicat Rail pour la nouvelle région de sa chère épouse. Grâce à l’intervention de hauts placés ainsi qu’à la connivence de son syndicat, la demande de mutation[21] à Nantes est accélérée ; cependant, il ressent[22] un certain regret car il se plaisait si bien dans le Val de Loire ! Il était d’ailleurs en congé de maladie pour dépression à cause des 300 kilomètres qui l’éloignaient[23] de sa femme. Il appréciait grandement le temps libre qui lui permettait d’aller pêcher. Cette solitude loin de sa compagne ne lui déplaisait point[24] car leur différend sur le recul[25] de l’âge de la retraite avait un peu refroidi leur relation. Dès qu’ils discutaient politique, les deux époux passaient aux insultes.  

Antoinette, inconditionnelle socialiste-carriériste approuve le recul des départs en retraite afin d’atteindre[26] un équilibre budgétaire, même si un excès dans sa région administrative l’indiffère[27]. Travailler jusqu’à 85 ans lui permettrait d’entretenir sa passion ! Les voyages en classe affaire, les savoureux déjeuners de travail, les sourires approbateurs et admiratifs, le titre de Madame la Présidente sont tellement grisants[28]. Elle redoute de retomber dans l’anonymat.  

Quant à Jacques, il tient dur comme fer[29] à son droit à la retraite et cela dès l’âge de 52 ans. Il est convaincu qu’il existe un capital génétique professionnel : ils se doivent d’honorer leurs camarades du lointain[30] passé, camarades qui ont inhalé de la fumée de charbon durant de nombreuses années. Son boulot n’est pas trop difficile à Nantes. Il consiste à négocier avec la région Bretagne pour que les trains armoricains BreizhGo ne traversent pas la région ligérienne ainsi que l’exige Antoinette. Ce seront les trains du conseil régional des Pays de la Loire qui relieront Nantes aux autres villes bretonnes (Rennes, Vannes et Brest), le tout financé par le budget régional de sa femme. Antoinette croit dur comme fer au pouvoir de persuasion et d’appartenance par les images (logo, drapeau, plaques, affiches…)  

Quant au P’tit Manu, il poursuit de brillantes études. Après avoir fait une licence en économie à la Sorbonne, il est finalement accepté à l’École Nationale d’Administration (ENA). Ses parents et lui ont eu une petite frayeur passagère[31] lors qu’ils ont cru que l’avenir du prodige P’tit Manu était compromis lorsque le tout puissant Président avait annoncé au peuple la suppression de l’ENA afin de contenter les Gilets Jaunes[32], héritiers des méchants Sans-culottes de la Révolution française. Mais c’était sans compter sur l’intelligence et sur la ruse du Tout Puissant[33], grand protecteur des intérêts de la Nation. Il supprime l’ENA pour mieux la remplacer par l’Institut national du service public (INSP), l’État faisant ainsi bon usage des locaux parisiens et strasbourgeois vacants de cette prestigieuse institution qu’était l’ENA. Le P’tit Manu reprend espoir alors de devenir un brillant énarque.  

Lors de son séjour à l’INSP à Paris – ouf ! il a échappé aux programmes de Strasbourg – le P’tit Manu se tisse un réseau[34] d’amis utile pour développer sa future carrière car en France, il vaut mieux se fier[35] aux gens bien placés qu’à Dieu. Tant pis[36] pour celles et ceux qui clament le contraire.  

Dans la capitale, il étudie sérieusement pendant la semaine et s’éclate[37] les week-ends. C’est ainsi que le P’tit Manu perd toute son innocence provinciale et découvre de nouvelles notions telle que la pan-sexualité qui ne lui disconvient point[38]. À la fin de son programme, un stage rémunéré de six mois l’attend dans la fonction publique en Martinique, une collectivité territoriale française d’Outre-mer. Il est impatient de découvrir cette France tropicale aux plages paradisiaques.  

Quant à son petit frère Nicolas, il se dirige[39] vers des études commerciales. La finance l’intéresse grandement. Avec ses petits boulots estivaux[40] dans le service bancaire, il s’est acheté une montre Relex Air-king dont il rêvait. Un bijou quand même d’une valeur de 5,000 Euros… Hélas ! En plein après-midi, tandis qu’il se promenait au centre de Nantes, autour du Château des Ducs de Bretagne, lors d’une journée ensoleillée et chaude, il s’est fait sauvagement voler et sa montre et ses Nike. Il a dû revenir chez lui en chaussettes. Quant à sa copine qui se promenait avec lui en mini-jupe, elle a été épargnée par un heureux hasard, elle a été seulement insultée, la liste des « compliments » a été impressionnante.  

Antoinette, grande copine du maire socialiste de la ville, interdit à son fils cadet et à sa petite amie de relater ce malheureux incident et d’établir tout profil des trois campeurs désœuvrés qui avaient installé leurs tentes dans le jardin autour des douves[41] du palais médiéval. Madame la Présidente, soucieuse de la réputation de sa capitale régionale et du « vivre ensemble national » classe cette fâcheuse mésaventure comme simple fait divers [42]dont les auteurs étaient des déséquilibrés nécessiteux[43].  

***Footnotes***

[1] Avec le verbe ‘pouvoir’, on peut omettre ‘pas’ lorsqu’il est suivi d’un infinitif. En revanche, il faut écrire “ne”devant le verbe conjugué. Exemple : « Elle ne peut venir » ou « elle ne peut pas venir ». « Il n’a pu le faire » ou bien « il n’a pas pu le faire ».
[2] N’en valait pas la peine : was not worth it
[3] Démentir : deny / refute
[4] à toute épreuve : rock solid
[5] Suffisant (adj.) : smug / self-satisfied
[6] On s’en fout : we don’t give a damn
[7] Atout (m) : asset / advantage
[8] Bourse (f) : grant
[9] Se consacrer à quelque chose : to dedicate yourself to something
[10] S’attarder (sur) : linger over
[11] Bonnets Rouges (red caps) are a protest movement in Brittany (in the five Breton departments including Loire-Atlantique).
[12] Passer à la trappe : to be axed / to disappear (une trappe : a trapdoor)
[13] Quid de… ! : what about… !
[14] Quant à : regarding
[15] La portée : the impact
[16] Basta avec le passéisme : enough with backward-looking attitude / attachment to the past. ‘Basta’ is a colloquial expression.
[17] Frisson (m) : quiver
[18] Parcourir : run
[19] Persuadé (adj.) : convinced
[20] Emporter : take over / win
[21] Mutation (f) : transfer
[22] Ressentir : feel
[23] Éloigner : take away
[24] (ne) déplaire point : not displease
[25] Recul de l’âge de la retraite : raising / increasing the retirement age
[26] Atteindre : reach
[27] Indifférer : not bother
[28] Grisant (adj.) : exhilarating
[29] Tenir / croire dur comme fer : firmly believe
[30] Lointain : remote | | Autres précisions : l’adjectif ‘armoricain-e’ est synonyme de ‘breton-ne’ & ‘ligérien-ne’ est une personne habitant près de la Loire. 
[31] Frayeur (f) passagère (adj.) : short-lived fright 
[32] Gillets Jaunes : Yellow Vests (Large protest movement in France in 2018 and 2019)
[33] Tout Puissant : Almighty
[34] Se tisser un réseau : develop a network
[35] Se fier à : to trust / to rely
[36] Tant pis : too bad / tough luck
[37] S’éclater (colloquial) : have a ball / enjoy oneself
[38] Disconvenir point : not dislike
[39] Se diriger vers : go into
[40] Estival (adj.), estivaux (adj. Masc. Plural) : summer
[41] Douve (f) : moat
[42] Fait divers (m) : minor news / not important
[43] Déséquilibré : unstable / disturbed person – Nécessiteux (adj.) : in need.

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Les aventures du P’tit Manu et de sa famille

Chapitre 1

Chapitre 2


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