Auteur : Pierre Scordia
Montréal & l’exemple de Nantes: mode d’emploi d’une politique d’acculturation
Imaginez un gouvernement Trudeau consultant des socialistes français en quête d’un emploi depuis leur débâcle électorale ; ces recrues viendraient au secours de l’exécutif canadien pour régler enfin toute la question du Québec.
Premier conseil :
On redessine les frontières et on crée une nouvelle province regroupant Montréal, Ottawa et Kingston qu’on appellera désormais les Pays de l’Outaouais, ainsi privera-t-on le Québec de son cœur économique et de sa population qui passera de 8 à 4 millions d’habitants. Des historiens très en vogue dans les médias affirmeront que Montréal n’a jamais eu vraiment une culture française, sauf sous le régime de la Nouvelle-France (on ne peut quand même pas détruire tous les monuments historiques !) Ils glorifieront l’identité anglaise, source de prospérité et d’échanges ; en effet Montréal sera devenue le port incontournable en Amérique du Nord ; mieux, elle sera ouverte sur le monde grâce au multiculturalisme et au digital. Son avenir sera prometteur, il y aura et le Québec historique et la province du Québec.
Deuxième conseil :
Pour faciliter l’acceptation de cette nouvelle entité à la population montréalaise, on fera de leur ville la capitale des Pays de l’Outaouais ; quelques nostalgiques seront fâchés mais on convaincra la majorité progressiste que la culture francophone privée de Montréal sera renforcée ; d’ailleurs, nombreux seront les économistes et les historiens révisionnistes a rappelé que la ville dite francophone a toujours été tournée vers l’est de l’Ontario et non vers le reste du Québec.
Troisième conseil :
Par souci de compromis, on mettra un panneau bilingue MONTREAL / MONTRÉAL pour montrer au monde que la partie québécoise des Pays de l’Outaouais ne renie pas ses origines. Par contre, on essaiera d’effacer le mot archaïque « Québec » sur tous les monuments historiques et édifices officiels pour consolider la nouvelle identité outaouaise. A la mairie, le drapeau composé de la croix blanche, des fleurs de lys sur fond bleu sera remplacé. On pavoisera une étoffe blanche avec une inscription bilingue en lettres bleues « Ottawa River Province / Pays de l’Outaouais ». La nouvelle appellation sera saluée par l’avant-garde qui minimisera l’usage de la langue française par l’élite au 19e et 20e siècles. Un homme politique, populaire, parachuté fera taire les quelques grincheux et procèdera au redécoupage de la province amputée du Québec.
Quatrième conseil :
Supposons que les Québécois ne soient plus quétaines (ploucs) ni cathos ; bref, qu’ils ne soient pas les arriérés que voit l’élite anglophone. Attardons-nous sur l’image d’un Séraphin Poudrier qui distingue Montréal la sophistiquée (celle de Westmount) du reste du Québec, la ville monde devient alors la sœur jumelle de Londres, un nouveau statut qui ne manquera pas de susciter optimisme et fierté. Le refus de cette dissociation sera perçu comme ringard, réactionnaire, nationaliste, passéiste. S’accrocher à un découpage administratif à l’heure de la mondialisation signale un esprit obtus.
Cinquième conseil :
Par souci de démocratie, ce nouveau découpage imposé par Trudeau et ses conseilleurs français pourra, bien sûr, être remis en question. Au nom des droits de la personne, on envisagera la tenue d’un référendum pendant une période limitée à 2 ans. On demandera une pétition sur papier (uniquement – paperasse oblige !) de 400.000 personnes, soit 10 % de la population de la métropole montréalaise, si elle désire rejoindre le Québec. Si le OUI l’emporte, alors il faudra que les autres régions des Pays de l’Outaouais acceptent le verdict démocratique : le départ de leur riche capitale, Montréal, de la nouvelle province.À partir de 2019, les frontières des deux provinces deviendront inviolables.
Fiction politique qui n’en est pas une en Bretagne
Cela vous paraît impensable ou ridicule ? Pourtant c’est ce qui se passe en Bretagne (France) avec la perte de sa capitale historique : Nantes[1]. Cette grande ville bretonne est désormais capitale des Pays de la Loire, région artificielle sans aucun lien historique entre ses composantes. La Normandie a été réunifiée mais pas la Bretagne, car celle-ci fait toujours peur à Paris alors qu’en réalité une Bretagne réunifiée, prospère, ouverte et à l’aise dans ses deux cultures (celtique à l’Ouest et latine à l’est) serait une belle vitrine pour une France confiante et respectueuse de ses régions.
Mais il semble que des forces centripètes feront de Nantes, non plus Nantes la bretonne, mais Nantes la paysanne de la Loire pour vitam aeternam. Ce n’est pas grave si on efface d’un coup de crayon 1200 ans d’histoire et qu’on renvoie Anne de Bretagne aux oubliettes. La République méprise les régions historiques, alors, il ne reste plus qu’à déplacer le château des Ducs de Bretagne sur des roulettes hors de Nantes. Le redécoupage des régions françaises par l’ancien président François Hollande[2], et ses acolytes socialistes est une insulte à la mémoire collective et au patrimoine culturel mondial. Emmanuel Macron dans un discours à Quimper en janvier 2017 a reconnu l’appartenance de Nantes à la Bretagne, mais il est probable que les forces jacobines, les petits barons de la Sarthe et certains élus affairistes de Loire-Atlantique l’empêcheront de rendre justice à l’histoire.
Notes de l’auteur
[1] Nantes était la capitale des Ducs de Bretagne au XVe siècle et du début du XVIe siècle. Par contre, le Parlement de Bretagne siégeait à Rennes.
[2] François Hollande a repris le découpage du Maréchal Pétain, sous le régime de Vichy. Quant à l’Alsace, elle a carrément disparu en tant que région.
FORM-Idea.com Nantes, le 26 septembre 2017.
Texte publié en premier dans le Huffington Post.