L’Homme Blanc Hétérosexuel catholique serait-il en danger ?
Auteur: Charles Chardonnet
Les discours identitaires et idéologiques d’extrême droite pullulent sur les réseaux sociaux et dans les médias. Ils paraissent décomplexés sur de nombreux sujets comme ceux concernant la communauté LGBT, le féminisme, l’immigration ou encore l’islam, leurs adversaires, leurs ennemis politiques. En réalité, ils se trompent de slogan et de cible.
À en croire le polémiste Eric Zemmour dans son discours de la « Convention de la droite » donné à Paris le 28 septembre, il y a un profil d’individu dans le monde qui est en danger et qui court à sa perte : l’Homme Blanc Hétérosexuel Catholique (que je raccourcirai par HBHC). Ce dernier subirait les évolutions sociétales d’aujourd’hui. L’égalité des sexes, l’élargissement des droits aux personnes LGBT ou encore la diversité culturelle le placeraient alors au rang de victime. De plus, cette remise en cause de l’HBHC dans la société serait volontairement orchestrée par les institutions de l’État et par les médias. La France négligerait ses traditions, son histoire et ses origines au profit de lobbys ou de forces politiques occultes. La vraie minorité, celle dont l’État ne reconnaît pas pleinement les droits de citoyenneté, serait donc celle de l’Homme Blanc Hétérosexuel Catholique.
Cette théorie qui vire au « complotisme » trouve ses sympathisants auprès des partis identitaires d’extrême droite, mais elle touche aussi un bon nombre de jeunes catholiques politisés, actifs sur les réseaux sociaux et qui se rassemblent pour exprimer leurs mécontentements sur les questions d’actualité. Ils suivent les actions de « La manif pour tous » ou « Génération identitaire » et ont l’espoir que leurs idées perdureront grâce à des représentants politiques comme Marion Maréchal Le Pen, invitée d’honneur à la conférence de la Droite. Sa jeunesse, sa présence médiatique et son école donnent un nouveau souffle à ces idéologies.
Leurs discours se basent sur la peur, peur de voir leur identité s’effacer au profit de minorités en raison des mesures progressistes. Ils ne se voient pas reconnus par la République ou en tout cas moins que les femmes, les migrants ou les personnes LGBT. Ils s’estiment privés de liberté et d’expression que ce soit de culte au profit de l’islam et des médias sous le joug de l’État. Ils se disent discriminés et victimes des inégalités dans leur condition sociale d’Homme Blanc Hétérosexuel Catholique. Certains vont jusqu’à même parler de racisme anti-blanc car ils sont insultés pour ce qu’ils sont.
Ainsi, quand on reprend tous les éléments que subissent les HBHC ces derniers reprennent les mêmes codes et discours de victimisation que ceux qu’ils estiment comme leurs adversaires politiques. Mais comme le macho qui dénigre les femmes pour son égo, comme l’homophobe qui lâche des « PD » pour se montrer plus viril, comme le raciste qui dit avoir un ami noir pour cacher ses idées racialistes, cette jeunesse extrémiste juge, insulte, discrimine autant que le macho, l’homophobe ou le raciste.
Or, les Hommes Blancs Hétérosexuels Catholiques ne semblent pas opprimés. Ils peuvent manifester autant que les autres citoyens français, la preuve encore à Paris le dimanche 6 octobre, ils l’ont fait contre la PMA. Ils peuvent participer à la vie politique de leur pays, ils sont par exemple encore plus nombreux que les femmes aujourd’hui à occuper les plus hautes fonctions administratives de la France, de la République qu’une grande partie de ces mouvances rejettent pourtant en bloc mais dont ils jouissent pleinement. Ils ont la liberté de culte, d’expression, d’entreprendre, de se marier, de fonder une famille, de se loger, de se nourrir, de se soigner, d’avoir recours à la justice et donc de se défendre en cas de litige bref, des libertés qui paraissent logiques et automatiques dans une démocratie comme la France mais qui restent pourtant plus difficile d’accès pour certaines franges de la population qui ne sont pas des hommes blancs hétérosexuels catholiques.
Il faut souligner que c’est une erreur de la part d’Eric Zemmour d’associer tous les HBHC à ce courant de pensée. Étant moi-même un homme blanc hétérosexuel ayant reçu une éducation catholique dans mon enfance, je suis très loin de m’imaginer en danger face au féminisme, à la communauté LGBT ou aux musulmans.
Ce discours - mêlant la haine à la peur - oublie aussi les vrais problèmes qu’une partie de l’électorat d’extrême-droite rencontre dans la société et qui pourtant soutient ces thèses complotistes. On sait que les chômeurs ou les personnes peu scolarisées ont tendance à approuver ces courants politiques, leurs droits valent d’être défendus tout autant que ceux des femmes, des LGBT ou des immigrés. L'ouvrier peu qualifié, les déscolarisés ou une partie des gilets jaunes, sans doute animés d'un esprit de convergence des luttes, participent aussi aux mobilisations ( comme celle contre la PMA ) afin de prolonger leur existence médiatique.
Le discours de l’homme blanc discriminé préfère se concentrer sur cette jeunesse sympathisante, plus éduquée et politisée. Et vous savez quoi ? Ces défenseurs ont raison. Ils sont minoritaires. Peu de gens pensent comme E. Zemmour.
form-idea.com Brest, le 15 octobre 2019.