L’Homme Blanc Hétérosexuel catholique serait-il en danger ?

Auteur: Charles Chardonnet - 2019

Une rhétorique d’extrême droite de plus en plus décomplexée

Les discours identitaires et idéologiques d’extrême droite se multiplient sur les réseaux sociaux et dans certains médias. Désormais décomplexés, ils s’attaquent frontalement à des sujets sensibles comme les droits des personnes LGBT, le féminisme, l’immigration ou encore l’islam. À leurs yeux, ces combats sociaux seraient les manifestations d’un déclin civilisationnel. Pourtant, ces discours semblent mal orienter leur cible comme leur slogan.

La figure du "HBHC" comme victime des temps modernes

À en croire Éric Zemmour, intervenant lors de la « Convention de la droite » à Paris le 28 septembre 2019, un profil d’individu serait désormais menacé : l’Homme Blanc Hétérosexuel Catholique (que nous abrégerons ici en HBHC). Selon lui, ce dernier serait marginalisé par les transformations sociales en cours : l’égalité entre les sexes, les droits des personnes LGBT ou encore la valorisation de la diversité culturelle en feraient un homme relégué au rang de victime.

Pire encore, cette mise à l’écart serait, selon Zemmour, volontairement orchestrée par les institutions républicaines et les médias, au profit de lobbies progressistes ou de forces occultes. La France, en tournant le dos à ses racines chrétiennes et à son histoire, trahirait sa propre identité. Dans ce renversement narratif, le HBHC serait présenté comme la véritable minorité oubliée par l’État.

Une théorie du complot aux racines identitaires

Ce récit, qui flirte avec le complotisme, séduit les cercles identitaires d’extrême droite mais aussi certains jeunes catholiques politisés, actifs sur les réseaux sociaux. Beaucoup soutiennent des mouvements comme La Manif pour Tous ou Génération Identitaire, persuadés que leurs idées perdureront grâce à des figures comme Marion Maréchal, invitée d'honneur de la conférence. Sa jeunesse, sa notoriété médiatique et son école de sciences politiques incarnent, pour eux, l’espoir d’un renouveau idéologique.

La peur d’une disparition identitaire

Ces militants fondent leur discours sur un sentiment profond de peur : peur de voir leur identité dissoute par des politiques jugées trop inclusives. Ils estiment ne pas être reconnus par la République — ou en tout cas, moins que les femmes, les personnes LGBT ou les immigrés. Certains évoquent même une forme de « racisme anti-blanc », se sentant stigmatisés ou moqués en raison de ce qu’ils sont.

Ils dénoncent une prétendue atteinte à leur liberté d’expression, de culte, ou même de parole dans l’espace public, qu’ils jugent de plus en plus contrôlé par des normes « progressistes ».

Le paradoxe d’une victimisation inversée

Ce qui frappe, c’est que ces discours reprennent exactement les ressorts rhétoriques qu’ils critiquent chez les autres : le sentiment d’oppression, la revendication identitaire, la posture de victime.
Comme un macho qui dénigre les femmes pour flatter son ego, comme un homophobe qui insulte pour affirmer sa virilité, ou comme un raciste qui prétend avoir un « ami noir » pour dissimuler ses préjugés, cette jeunesse radicalisée juge, insulte et discrimine à l’égal de ceux qu’elle accuse.

Libertés et privilèges : les HBHC vraiment marginalisés ?

Les faits contredisent cependant cette posture victimaire. Les Hommes Blancs Hétérosexuels Catholiques ne sont ni empêchés de manifester (comme en témoignent les cortèges contre la PMA, à Paris le 6 octobre 2019), ni exclus de la vie politique. Ils occupent encore massivement les plus hauts postes de l’État, de l’administration, de l’entreprise et des médias.

Ils bénéficient, comme tous les citoyens français, des libertés fondamentales : liberté de culte, d’expression, d’entreprendre, de se marier, de fonder une famille, d’accéder à la justice, à un logement ou à la santé. Des droits parfois moins accessibles à d’autres catégories de la population, notamment les femmes, les minorités visibles ou les personnes LGBT.

Tous les HBHC ne se reconnaissent pas dans ce discours

Il est donc abusif, voire malhonnête, de considérer que tous les HBHC adhèrent à cette idéologie. En tant qu’homme blanc, hétérosexuel et ayant reçu une éducation catholique, je ne me sens en rien menacé par le féminisme, les communautés LGBT ou les croyants musulmans.

La majorité silencieuse des HBHC vit sa citoyenneté sans peur ni ressentiment. Seule une frange radicalisée alimente ce discours victimaire.

Une instrumentalisation qui occulte les vraies fractures sociales

Ce récit d’un HBHC discriminé masque aussi les difficultés réelles rencontrées par une partie de l’électorat d’extrême droite. Des études montrent que le chômage, la précarité ou la faible scolarisation renforcent l’adhésion à ces idées. Leurs revendications sociales sont légitimes, tout autant que celles des autres groupes minoritaires.

L’ouvrier non qualifié, les jeunes déscolarisés, ou une partie des gilets jaunes — parfois attirés par un esprit de convergence des luttes — rejoignent ces mouvements, espérant prolonger leur visibilité dans l’espace public. Mais ce sont souvent les plus politisés, les plus éduqués, qui relaient le discours identitaire avec le plus de vigueur.

Une minorité bruyante, mais bien une minorité

Et sur ce point, ils ont raison : ils sont bel et bien minoritaires. Peu de Français adhèrent aux thèses les plus radicales d’Éric Zemmour. La figure du HBHC en danger est moins un fait social qu’un symptôme idéologique, forgé par la peur, nourri par la nostalgie, et amplifié par les réseaux.

form-idea.com Brest, le 15 octobre 2019.

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