La majeure partie des 800 000 Azéris de Turquie a trouvé refuge dans l’Empire ottoman ou dans la Turquie moderne, fuyant les persécutions dans les territoires russes (et soviétiques), iraniens, géorgiens ou arméniens.
Les Azéris et les Turcs
Auteur : Rinaldo Tomaselli
L’Azerbaïdjan historique correspond à une région englobant non seulement la République d’Azerbaïdjan, mais aussi les provinces du nord-ouest de l’Iran et une partie de la République d’Arménie. Les Azéris sont majoritaires dans ces régions, sauf en Arménie, et cohabitent avec de nombreuses autres ethnies (une trentaine en République d’Azerbaïdjan). D’autres Azéris habitent en dehors de l’Azerbaïdjan historique, notamment en Géorgie, en Ciscaucasie, au Turkménistan, au Daguestan, en Turquie, en Russie. Au total, plus de 25 millions de personnes.
Histoire de l’Azerbaïdjan
L’Azerbaïdjan était une composante du royaume d’Ourartou avant de passer au VIIIe avant J.C. à l’Empire mède, puis à l’Empire perse. Au VIIe siècle, les Arabes envahirent le pays qui passa rapidement de la religion zoroastrienne à l’islam, mais la population conserva néanmoins sa langue persane.
Au IXe siècle, le pays fut morcelé en plusieurs Etats indépendants, dont celui de Shirvan qui exista jusqu’au XVIe siècle. Les Seldjoukides firent leur apparition dans la région au XIe et la population adopta la langue turque progressivement.
En 1501, tous les territoires azéris furent unifiés sous la dynastie des Safavides. La langue de l’Etat devint l’azéri et sa capitale, Tabriz. Au XVIIe siècle, la chute de l’Empire safavide provoqua un morcellement du territoire en une multitude de khanats et de sultanats. Au XVIIIe siècle, les musulmans d’Azerbaïdjan et les Albanais chrétiens se retrouvèrent dans le khanat (azéri) du Karabakh qui regroupait les territoires compris entre les fleuves Kur et Araxe.
Conquête russe
Les territoires de l’Azerbaïdjan historique furent âprement disputés entre les Empires perse et ottoman, mais dès le début du XIXe siècle, les Russes commencèrent à s’y intéresser également. Entre 1813 et 1828, la Perse perdit tous ses territoires au nord de l’Araxe, au profit de la Russie. Les Russes entreprirent tout de suite la russification de cette région, puis passa un accord (Traité d’Edirne, 1829), avec l’Empire ottoman et la Perse pour un échange de populations. Ainsi, environ 125 000 Arméniens vinrent peupler les khanats de Nakhitchevan et d’Erevan, en provenance d’Iran et des provinces orientales ottomanes. Après avoir envahi les territoires ottomans de l’Est, les Russes déportèrent 100 000 Arméniens en Azerbaïdjan. Puis la Russie occupa en 1878 la région de Kars et d’Ardahan. Le gouvernement tsariste expulsa les musulmans et y installa 130 000 Arméniens et des colons russes et allemands.
Brève indépendance & république soviétique
En 1918 fut proclamée la République azerbaïdjanaise, ce qui provoqua le départ de nombreux Arméniens. Puis en 1920, l’Azerbaïdjan rejoignit l’Union Soviétique, dont le pouvoir central fit passer les territoires du Zangezour, de Goycha et d’une partie du Nakhitchevan à la République d’Arménie voisine.
Le Haut-Karabagh resté enclavé en Azerbaïdjan, devenait en 1923 une région autonome. En 1988, les Arméniens du Haut-Karabagh demandèrent leur rattachement à la République d’Arménie, ce qui provoqua des heurts et des pogroms des deux côtés de la frontière.
Deuxième indépendance et conflit avec l’Arménie
L’Azerbaïdjan proclama son indépendance en 1991 et en 1993, les troupes arméniennes envahissaient l’Ouest et occupaient durablement le Haut-Karabagh et les régions avoisinantes, soit 25 à 30% du territoire de la République d’Azerbaïdjan. Les Arméniens opérèrent une « épuration ethnique » dans les territoires occupés, obligeant tous les non Arméniens à quitter la région. Depuis le début du conflit en Syrie, l’Arménie accueille à bras ouverts les réfugiés arméniens de ce pays. Ils sont installés massivement dans le Haut-Karabagh pour y augmenter la population et tenir une légitimité au niveau international.
Les Azéris de Turquie
Les Azéris de Turquie vivent essentiellement dans les provinces d’Iğdır, de Kars, d’Ağrı et d’Ardahan et dans les centres urbains importants du pays. A part la région d’Ardahan et d’Iğdır, la zone historique de peuplement azéri est hors des frontières actuelles de la Turquie.
La majeure partie des 800 000 Azéris de Turquie a trouvé refuge dans l’Empire ottoman ou dans la Turquie moderne, fuyant les persécutions dans les territoires russes / soviétiques, iraniens, géorgiens ou arméniens. Les trois derniers mouvements importants des Azéris vers la Turquie eurent lieu entre 1918-1925 (expulsion des musulmans d’Arménie), en 1946 (réfugiés politiques d’Iran), en 1979 (révolution islamique en Iran), et en 1991 (réfugiés azéris d’Arménie). A noter aussi que depuis le début des années 1990, beaucoup d’Azéris d’Azerbaïdjan se sont exilés en Turquie pour des raisons économiques.
D’une manière générale, l’intégration des Azéris se fait aisément et rapidement, l’intercompréhension des deux langues favorisant nettement l’incorporation à la Nation turque, presque à l’assimilation. Toutefois, les Azéris de Turquie possèdent des associations et des publications aidant à maintenir leur culture particulière.
La religion majoritaire des Azéris est l’islam chiite ; cependant on dénombre également un nombre important d’alévis (kızılbaş).
mise à jour
Soutien militaire de la Turquie
L’enclave du Nagorny-Karabakh – appelée aussi Haut-Karabakh – est convoitée à la fois par l’Arménie et par l’Azerbaïdjan principalement pour son caractère historique. Le Haut-Karabakh fait partie de l’identité nationale des deux pays.
Grâce aux importants revenus liés à l’exploitation des ressources gazières et pétrolières, les Azerbaïdjanais ont pu accumuler un budget annuel militaire dix fois plus élevé que celui des Arméniens ; ce qui leur a permis de lancer des opérations militaires d’envergure contre les forces arméniennes du Nagorny-Karabakh, le 27 septembre 2021. Assistés par l’armée turque, les Azerbaïdjanais ont infligé une défaite cinglante aux Arméniens affaiblis notamment par la neutralité plutôt malveillante de leur alliée russe ; Moscou voyant certaines réformes entreprises par le gouvernement démocratique de Nicol Pashinyan comme une menace aux intérêts de la Russie.
Prise de Choucha, ville du patrimoine arménien
Le 9 novembre, la ville historique de Choucha tombe aux mains de l’armée azérie, ce qui représente une perte dramatique pour Erevan. Cet événement pousse le gouvernement arménien à signer un accord de cessez-le-feu lui étant défavorable mais lui permettant toutefois de conserver l’administration de la petite enclave du Haut-Karabakh. Le traité permet à Bakou de récupérer les sept districts qui entourent le Haut-Karabagh. Il prévoit aussi l’établissement d’un corridor sur le territoire arménien reliant l’Azerbaïdjan et le Nakhitchevan, territoire azerbaïdjanais coupé du reste du pays. Quant à Erevan, elle ne réussit qu’à éviter la défaite totale grâce à l’intervention de la diplomatie russe et elle n’obtient qu’un mince corridor reliant le Haut-Karabakh à l’Arménie, dont la sécurité et le maintien sont assurés par les forces de maintien de la paix, c’est-à-dire les militaires russes.
Mise à jour faite par Pierre Scordia.