L’art de maîtriser une langue

Des mots aux conversations

Apprendre une langue étrangère peut sembler difficile surtout si on veut la maîtriser comme un locuteur natif du pays. Il n’existe pas de méthode miracle universelle pour atteindre cet objectif, car chaque individu apprend et raisonne différemment. Certains privilégieront l’immersion totale sans vraiment étudier la grammaire. Bien que cette approche puisse être efficace, elle montre ses limites lorsqu’il s’agit de maîtriser l’écrit. D’autres, au contraire, se concentreront sur la grammaire afin de mieux comprendre le fonctionnement de la langue, mais risquent de manquer de pratique concrète. L’approche la plus couramment utilisée aujourd’hui est la méthode communicative. Elle consiste à aborder un thème précis, autour duquel on étudie le vocabulaire et un point de grammaire, dans le but de permettre à l’apprenant de s’exprimer correctement sur le sujet. Cette méthode vise également à développer les quatre compétences linguistiques : l’expression orale, la compréhension orale, la lecture et l’expression écrite. Elle repose sur une immersion linguistique, en excluant le recours à la traduction ou aux explications dans la langue maternelle de l’étudiant. Cela permet de réunir des apprenants de cultures différentes dans une même classe, ce qui s’avère particulièrement avantageux pour les écoles internationales, qu’elles soient en Angleterre, en France ou en Espagne.

Les limites de l’approche communicative

À mon avis, cette approche peut pénaliser certains apprenants. Par exemple, lorsqu’on enseigne l’espagnol, les francophones ou les lusophones progressent souvent plus rapidement que les russophones ou les sinophones, car leur langue maternelle est plus proche de l’espagnol. Cette différence peut décourager certains élèves, en particulier lorsque la langue apprise est très éloignée de leur langue d’origine.
Je me souviens d’un cours de russe pour débutants : les étudiants polonais avançaient beaucoup plus vite que nous, francophones et anglophones. Cela nous donnait l’impression d’être mauvais.

Avec plus de 25 ans d’expérience dans l’enseignement des langues, je suis convaincu qu’expliquer certains points dans la langue maternelle de l’élève et proposer des traductions peut créer un véritable déclic. Cela peut aussi restaurer la confiance de l’apprenant. Comprendre les mécanismes d’une langue est fondamental, et la grammaire reste un outil clé pour y parvenir.

L’utilité des applications en début d’apprentissage

Lorsque l’on débute l’apprentissage d’une langue, il est souvent judicieux de commencer par une application comme Babbel ou Duolingo. Ces outils permettent de se familiariser avec les bases de la langue et d’en avoir un premier aperçu. Cette première immersion vous aidera à évaluer certains éléments essentiels : trouvez-vous la prononciation naturelle ou difficile ? Les structures grammaticales vous semblent-elles simples ou complexes à mémoriser ? Ces premières impressions sont précieuses, car nous avons tous des affinités naturelles avec certaines langues, sans que cela ne s’explique toujours rationnellement. Par exemple, un ami italo-canadien n’a jamais réussi à maîtriser l’anglais, alors qu’il parle couramment le russe.Il est en effet très difficile d’apprendre une langue que l’on n’apprécie pas. Il est donc important de bien choisir la langue que l’on souhaite apprendre, tout en restant réaliste quant à ses objectifs. Apprendre le mandarin à soixante ans représente un défi bien plus grand qu’à dix ans.Il est également utile de tester les différents accents. Par exemple, pour un francophone ou un anglophone, le portugais du Portugal peut sembler plus ardu que l’accent brésilien, souvent perçu comme plus clair, plus mélodieux et plus accessible.

L’inscription à un cours et le choix du professeur

Une fois que l’on maîtrise les bases d’une langue, il peut être judicieux de s’inscrire à un cours pour débutants. Cela permet de consolider ses acquis en partant sur de bonnes bases, sans craindre d’être dépassé par les autres élèves. Si possible, choisissez une langue dont la prononciation vous semble facile : ce petit avantage peut booster votre confiance.En revanche, si la langue vous paraît ardue mais que vous devez absolument l’apprendre – pour des raisons personnelles ou professionnelles –, alors des cours particuliers deviennent quasiment indispensables. Un professeur privé pourra adapter ses leçons à votre rythme et à vos besoins. Plus il vous fera pratiquer, plus vous progresserez. Et grâce à ses encouragements et à sa bienveillance, vous prendrez confiance en vous.N’hésitez pas à changer de professeur si le courant ne passe pas. L’amour d’une langue tient parfois à celui ou celle qui l’enseigne. Par exemple, si vous décidez d’apprendre l’allemand, il n’est pas nécessaire de choisir un locuteur natif. Ce qui compte avant tout, ce sont les compétences pédagogiques du tuteur. Lors d’un cours d’allemand au Canada, notre groupe avait été conquis par une Québécoise ayant vécu quelques années à Fribourg. Elle savait transmettre sa passion avec humour et maîtrisait parfaitement le français et l’allemand. Grâce à elle, nous avons acquis de solides bases tout en appréciant la matière. Malheureusement, elle n’était là que pour un remplacement. Son successeur, une Allemande, avait une approche très stricte, centrée sur la langue pure et le sérieux académique. Même si son niveau d’allemand était indéniablement meilleur, sa rigueur presque militaire a fini par démotiver le groupe.Autre souvenir marquant : lors d’un séjour linguistique en Ukraine, en 2013 – un an avant le début de la guerre – j’ai eu deux professeurs de russe très différentes. La première était exceptionnelle : elle parlait anglais, un peu français, avait beaucoup d’humour et adorait raconter des anecdotes sur les écrivains russes ou sur l’origine des mots. Par exemple, elle m’avait expliqué que le mot bistro viendrait de l’occupation russe de 1814 : les soldats, pressés d’être servis, criaient “быстро” (bystro, vite). Elle m’a transmis non seulement le goût de la langue, mais aussi celui de la culture.Ma deuxième professeure, en revanche, était tout l’opposé : aucune trace d’humour, pro-russe affirmée (sa sonnerie de téléphone était l’hymne soviétique), anti-occidentale, jamais un sourire, pas de traduction en anglais. J’étais immergé dans une ambiance soviétique oppressante, ce qui a fini par me décourager. C’est à ce moment-là que j’ai compris qu’à Odessa, certaines personnes rêvaient encore d’un retour de l’impérialisme russe.

Le séjour linguistique : l’immersion.

Quand on atteint un niveau B2, il est extrêmement bénéfique de s’immerger dans un des pays dont on parle la langue. Une fois sur place, il ne faut pas avoir peur de parler même si on se sent un peu idiot, un peu frustré ou diminué par un manque de maîtrise de la langue. On a l’impression – avec raison – que nous ne sommes pas pris au sérieux par les locaux. Cependant, plus on échangera, plus on améliorera son niveau. Si vous apprenez l’anglais, évitez l’Angleterre ou l’Irlande où de nombreux Européens séjournent ; il est probable que vous finirez par communiquer avec des gens qui parlent mal la langue. Optez plutôt – si les moyens vous le permettent – pour le Canada anglais, les États-Unis, l’Australie ou la Nouvelle-Zélande. Si vous avez moins de 30 ans, vous avez la possibilité d’obtenir un visa d’un an pour y travailler.Le graal serait d’accomplir une partie de vos études dans un pays où la langue d’enseignement est celle que vous désirez maîtriser. Pour l’anglais, les universités britanniques offrent de très bons diplômes mais depuis le Brexit, les Français doivent payer les frais différentiels et ne bénéficient plus du programme Erasmus. Mais il reste néanmoins l’Irlande ou des universités néerlandaises, chypriotes ou scandinaves qui offrent des programmes tout en anglais. Lorsqu’on sort de ces écoles, on en sort bilingues, ce qui représente un plus pour sa carrière.

Les bénéfices

L’année dernière, j’ai lu dans plusieurs revues qu’il y avait une nouvelle hiérarchie des nationalités dans les postes à responsabilités. Les anglophones et les pays du Nord de l’Europe étaient les mieux placés pour occuper les postes clés dans les compagnies et les organisations internationales parce qu’ils maîtrisaient parfaitement l’anglais. Il n’est pas étonnant que les postes de consultants soient donnés à des anglophones, même au sein de l’Union Européenne. Il est tout de même regrettable qu’une langue qui n’est officielle dans aucun des grands pays de l’U.E. soit devenue la langue de travail[1].Ne vous dispersez pas dans vos études, concentrez-vous sur une langue, maximum deux. Une fois bien maîtrisée, vous pouvez en apprendre une autre. Maintenez votre niveau en participant à des Book Clubs, à des groupes de conversation, de théâtre ou en lisant les journaux. Une langue peut se perdre.En plus, cette activité a des vertus pour la santé. D’après certains chercheurs, l’apprentissage des langues pourrait même ralentir l’apparition de maladies neurodégénératives et limiter les séquelles en cas d’AVC. Alors, n’attendez plus : lancez-vous et apprenez une langue étrangère ou régionale !

[1] L’anglais est une langue usuelle en Irlande, Malte et Chypre mais elle n’est pas la première langue officielle.

pierrelondon.com


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