La série The Regime, disponible sur la toute nouvelle plateforme MAX de HBO, s’attaque avec mordant aux dérives autoritaires du XXIe siècle. Parodie grinçante d’une dictature moderne aux accents post-soviétiques – le Bélarus en ligne de mire –, cette fiction américaine met en scène une chancelière despotique, campée par une Kate Winslet absolument saisissante.

Dans un palais qui évoque celui des Ceaușescu à Bucarest, la dirigeante, recluse dans un monde luxueux et décadent, s’éloigne peu à peu de toute réalité. Convaincue d’être aimée de son peuple et persuadée d’œuvrer pour son bien, elle feint d’ignorer la corruption généralisée de son entourage, à commencer par son époux français, un intellectuel raffiné reconverti en gestionnaire zélé de comptes offshores. Ce dernier dilapide l’argent du régime dans des projets culturels aussi dispendieux que médiocres.

Mais gare à ceux qui osent la contredire : vindicative, la chancelière prend un malin plaisir à humilier, emprisonner, voire éliminer ses opposants. Tel un seigneur féodal, elle fait croupir ses ennemis politiques dans les geôles humides de son palais. Obnubilée par son image et hantée par la peur de la maladie, elle sombre dans l’hypocondrie. On pense inévitablement aux fameuses longues tables de Vladimir Poutine durant la pandémie, mises en place pour tenir ses visiteurs à distance.

Son obsession du contrôle atteint des sommets absurdes : des règles aussi farfelues qu’inflexibles régissent le quotidien des employés et visiteurs, et un système paranoïaque de surveillance de la nourriture est mis en place. Elle redoute l’empoisonnement, tout en proclamant avec ferveur l’amour inconditionnel que lui voue son peuple.

À chaque déplacement, c’est un véritable village Potemkine qui l’accompagne, donnant à The Regime une résonance glaçante et burlesque à la fois. Une satire politique aussi féroce que troublante, portée par une Kate Winslet impériale.

Dans The Regime, tout gravite autour de la chancelière : chacun cède à ses caprices, tandis que les courtisans rivalisent de flatteries pour tenter d’influencer sa politique étrangère. C’est dans ce climat de tension feutrée que débarquent les Américains, bien décidés à préserver l’accès aux précieuses ressources naturelles du pays en échange d’un soutien indéfectible au régime. Mais la dirigeante, instable et aisément manipulable, se montre tout sauf fiable.

Ses décisions peuvent être aussi spectaculaires qu’irresponsables. Elle n’hésite pas, par exemple, à lancer une invasion et annexer un territoire voisin sous couvert d’un fantasme de réunification nationale. En réponse aux sanctions occidentales, les Chinois viennent jouer les sauveurs providentiels, apportant un soutien économique qui rappelle les jeux d’influence géopolitiques bien réels.

La série appuie aussi là où ça fait mal : la dictatrice érige en modèle sa propre famille, célébrée comme une lignée providentielle. Un clin d’œil à peine voilé à la dynastie des Kim en Corée du Nord. Mais ici, la satire tourne au burlesque, portée par un humour so british, signature du réalisateur Stephen Frears (The Queen, Philomena), qui s’amuse à tordre la réalité jusqu’à l’absurde.

Et que dire de Kate Winslet ? Bluffante, elle campe une autocrate à la fois grotesque, inquiétante et fascinante. Son apparence, avec ses tresses blondes couronnées sur la tête et son sourire figé, évoque immanquablement Ioulia Timochenko, l’ex-première ministre ukrainienne. Mais là où la politique réelle inquiète, The Regime nous fait rire – jaune, certes, mais avec un plaisir coupable.



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