Clair de Ciels – Luciano Sidi Scarpa, photographe toscan
Autrice : Mireille Michel
Luciano Sidi Scarpa se promène depuis des années le nez dans les nuages mais les pieds bien sur terre. Ce sexagénaire toscan à l’œil pétillant, ancien facteur et photographe aguerri, continue de parcourir en solitaire son pays, dans cet espace liminal où l’horizon perd ses limites, où le ciel est paysage. Ses cieux empoignent fermement les terres qu’ils baignent de leur lumière et ses campagnes s’élèvent gracieusement vers l’éther. Tout en douceur et sans compromis, telle va la force visuelle de cet ancien messager ailé, accoutumé au commerce entre humains et dieux…
éclair de lumière
Mireille Michel : Comment le ciel prend-il sa place dans vos photos ?
Luciano Sidi Scarpa : Depuis mon premier vol en avion par delà les nuages, assez tard dans ma vie, je ne détache plus le ciel de la terre mais je peux les saisir séparément. A la différence du peintre qui peut éclairer progressivement sa toile, je dépends de cet éclair de lumière qui jaillit capricieusement dans l’instant d’un ciel qui succède à un autre. Aucune permanence, le ciel n’en finit de se transformer et telle est peut-être là son infinité. Je saisis ces moments éphémères; je m’arrête dans leur cadre pour les rattraper.
De parfaits monochrones
Certaines de vos photos à l’azur monochrome évoquent la peinture...
C’est vrai de ces ciels d’un bleu si profond, si limpide que je parle d’eux comme solides mais jamais comme liquides...de parfaits monochromes qui offrent à l’oeil l’onctuosité de la toile peinte, par couches innombrables. Je pense notamment à certains ciels de Sardaigne que j’ai photographiés à Boza. Mais enfin, je ne me décide pas pour tel ou tel ciel en avance, je vais, généralement seul avec ma voiture, et je reviens photographier sur les lieux qui m’ont inspirés telle ou telle prise.
Le ciel, c’est autant l’azur que la masse dynamique des nuages à l’opaque clarté que leur ensemble. Je suis à la fois paresseux et déterminé : je prépare soigneusement mon équipement mais je pars sans attentes ; si tel lieu me retient, je n’hésite pas à y revenir pour guetter de nouveau les surprises qu’il m’aura révélées ; sachant qu’il m’en réservera d’autres encore. C’est là que je revois mes cadrages, mes prises de vues, sur place, une fois que le lieu s’est imposé à moi. C’est ainsi que je déplace ma paresse car je ne peux me permettre d’être insatisfait (petit rire). J’expérimente en continu...et je découvre, ainsi appareillé, l’infini plaisir de la multitude aléatoire...
L’envie de prendre la route
De fait peut-on dire que vous partez à la chasse aux ciels et aux nuages comme d’autres partent à la chasse aux papillons ?
La machine (“la macchina”, c’est à dire à la fois la voiture et l’appareil photo en italien !) sont toujours prêts au cas où...mais je ne cours pas après les nuages, j’attends plutôt d’avoir envie de prendre la route pour partir les photographier. Je ne me donne pas de mission ou de projet, j’attends juste l’envie sans laquelle je ne vois pas comment je pourrais faire de bonnes photos (nouveau petit rire) !
saisir l’infinie variété
Avez-vous le ciel dans la tête autant qu’autour de vous lorsque vous le courtisez? Affecte-t-il votre perception de l’espace autrement que comme mesure du temps ?
Nous voici ramenés à la peinture ; je vois d’abord dans le ciel des éclats, des éclaboussures lancés par des artistes peintres dont j’essaie de saisir l’infinie variété, un peu comme une toile que vous retournez voir, reconnaissant qu’elle ne vous livre jamais tous les secrets de ses grâces...
FΩRMIdea Paris, le 9 octobre 2015.
Pour les expositions, publications et le bel univers de Luciano : www.sidilucianoscarpa.it