A D.ieu à Ronit Elkabetz
Par Anne Berthier
Je suis triste aujourd’hui Ronit, et les larmes coulent….
Tu as traversé ma vie lors de nos années Parisiennes et donné au monde de belles œuvres, intransigeantes, à l’image de ta nature entière et de ta beauté intense.
Comment pourrais-je t’oublier ? Tu avais remué ciel et terre (comme tu sais si bien le faire) et même redescendu de « niveau » pour pouvoir suivre mes cours car tu t’y sentais plus à l’aise. Ce fut une joie de t’accueillir alors dans ma classe, Passage Dauphine, dans ce bel établissement qu’était alors Eurocentres.
Tu étais la seule personne que j’ai connue d’ailleurs qui savait mieux « parler » que « comprendre », ton métier oblige ! Nous sommes devenues amies le temps de huit saisons….
Je me souviens de toi comme sur cette superbe photo…. Concentrée, repliant sur le derrière de ton oreille une mèche noire et luisante, laissant poindre derrière ta belle assurance, une nervosité à fleur de peau… Tu portais tes bagues à l’index gauche, était d’une fidélité exclusive à Shalimar qui marquait ton sillage, levais des armées de chevaliers servants d’un battement de cils.
Et pourtant de cette beauté altière et sensuelle, tu te défaisais à l’écran, réussissant la gageure du Vrai, et ta nature libre s’engageait totalement dans des combats que tu mettais au service du féminisme et de l’art.
Je garde en mémoire, nos conversations, nos fous rires, notre élan envers le monde, notre ironie parfois, notre générosité teintée d’égoïsme… Ce mystère sur ta vie qui s’estompait peu à peu… Amitié éphémère mais amitié tout de même. Nous savions lever la joie face à la lourdeur du monde.
Je me souviens des textes que je te faisais répéter et des spectacles où je suis venue te voir, au Théâtre du Soleil d’Ariane Mnouchkine, à la Cartoucherie de Vincennes ; à ton One Woman Show sur Martha Graham… Sublime interprétation de la vie et de la danse de cette femme qui comme toi brisa les moules traditionnels et inventa un geste libre, tout comme tu cries la liberté des femmes à l’écran. Et pour cela mille mercis !
Tu n’avais alors pas un sou en poche et vivait une vie de Bohème, ton âme ardente t’ayant amené à suivre ton inspiration pour Paris, alors que tu connaissais le Star System en Israël… Quel courage !
Quel feu intérieur… Je t’ai suivie dans quelques films et j’ai hâte de voir les derniers que tu as réalisés toi-même.
Je pense aujourd’hui à Shlomi, ce frère si proche de toi que l’on vous penserait jumeaux, qui a perdu bien plus qu’une sœur aimée aujourd’hui, tant vos projets vous réunissaient. Je pense bien sur à tes enfants, de cette nouvelle vie qui débuta pour si peu…
Ma chère Ronit je pense à toi et t’envoie mille pensées d’amour… Il me reste ce beau livre sur Martha Graham acheté par tes soins avec vos signatures d’amitié et que j’ai ré-ouvert ce matin avec beaucoup d’émotion. Et il nous reste ces films qui ont fait bouger les lignes sur la condition féminine en Israël. Tu ne vins pas en vain chère Ronit.
Paix à ton âme. Shalom Ronit.
FΩRMIdea - Mercredi 20 avril 2016
Interview avec Ronit Elkabetz | Euronews
Anne Berthier est enseignante en Langues et Cultures et passionnée d’Art sous toutes ses formes.
Convaincue que l’ouverture culturelle et l’art sont les meilleurs vecteurs d’une société réellement mixte et métissée, c’est par le biais de l’écriture, qu’elle choisit de transmettre, valoriser, partager et faire connaitre le travail des artistes qu’elle découvre ou qu’elle rencontre.