Qui joue avec notre cerveau ?

 

Autrice : Patricia Ventura

Même si les gènes nous rendent vulnérables, certaines preuves beaucoup plus solides que les expériences et l'environnement confirment que d’autres facteurs altèrent la santé mentale. Les enfants victimes de pauvreté, d'abus et de discrimination sont beaucoup plus susceptibles de développer des problèmes de santé mentale dans la vie. Selon le psychologue clinicien Richard Bentell, « la preuve d'un lien entre le malheur de l'enfance et un futur trouble psychiatrique est statistiquement aussi forte que le lien entre le tabagisme et le cancer du poumon ».

L'approche biomédicale peut également amener à considérer comme pathologiques les réponses humaines normales à la souffrance. Certes, les personnes en instance de divorce ou dans une situation de chômage souffrent de dépression et d’anxiété, mais avoir besoin de soutien et de services n’est pas souffrir d’une maladie.

Comme le modèle biomédical a tendance à isoler la santé mentale du contexte social, il met l'accent sur le traitement plutôt que sur la prévention, et les modèles de traitement qu'il préconise ont tendance à dépendre fortement des médicaments, autrement dit de drogues. Bien que les médicaments administrés par les psychiatres agissent positivement sur certaines personnes, il n’en est pas de même pour d’autres et leurs effets secondaires peuvent être débilitants. Une pilule n'effacera pas les effets d’un parcours traumatisant qu’il soit familial ou scolaire.

De plus, considérer que des problèmes de santé mentale relèvent d’une maladie pourrait en réalité accroître une stigmatisation sociale, ce qui aggraverait les torts causés aux personnes qui ont besoin de solidarité et de soutien pour se rétablir. La récupération est possible ; les gens peuvent aller mieux. Ils peuvent s’épanouir, se sentir soutenus par la famille et les amis et réussir dans leurs études et leur carrière professionnelle. Mais la récupération est plus difficile si le seul traitement disponible est pharmaceutique et qu’il ne s'attaque pas aux causes profondes.

Il faut considérer la santé mentale sous un angle différent. Il est important que nous développions des systèmes de santé intégrant le mental et physique, surtout au niveau des soins primaires, car les deux sont inextricablement liés. Le corps peut causer la dépression et l’anxiété, le psychisme peut masquer des troubles physiques, en particulier lorsque les médecins interprètent ces expériences uniquement à l'aide d'un diagnostic psychiatrique.

Tout traitement doit commencer en se concentrant sur la personne, dans toute son toute entité. Nous avons besoin de soins appropriés fondés sur la communauté et de solutions holistiques tenant compte des facteurs sociaux, économiques et culturels. Nous devons également élargir notre compréhension à la guérison. C’est au patient de définir la notion de d’  « une bonne vie », plutôt qu’à la médecine qui s’en tient à la disparition de certains symptômes.

Enfin, nous devons commencer à traiter la santé mentale comme une question de justice sociale et de droits de l'homme. C’est la raison pour laquelle Mental Health Europe plaide en faveur d’un modèle tenant compte de l’impact profond des expériences vécues et de l’environnement social sur l’évolution de la santé mentale. Nous savons que la pauvreté, le racisme et la violence augmentent le risque de développement de problèmes de santé mentale, ce qui signifie que nous avons besoin d'interventions auprès de la population pour pouvoir lutter contre les causes profondes de tous ces maux.

Nos systèmes actuels de soins de santé mentale échouent dans le traitement et la prévention : le modèle biomédical en est l’une des principales raisons. Des recherches pourraient permettre de mieux comprendre la relation complexe entre les gènes, le cerveau et la santé mentale. Mais aucune découverte n'empêchera les gens de vivre des expériences douloureuses ni d’avoir besoin des autres.

FORMIdea Lisbonne, le 19 décembre 2018. Texte traduit de l'anglais par Pierre Scordia.

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