Sri Lanka : Lady Di et le mineur

Auteur: Simon Urwin | @SimonUrwinPhoto

Amaranth se déshabille jusqu'à la taille pour une journée de fouilles à la carrière. Il est naturellement sculpté et musclé comme un athlète. Dans une ‘Bataille de torses nus’, il aurait massacré Poldark, interprété par Aiden Turner, d’une simple secousse de pectoraux.

Bandana, homme élégant de 31 ans, aux yeux de biche, me conduit le long d'un chemin menant vers une rizière où trône un Bouddha assis sur une mer d’un vert éclatant. Il surveille la scène et fait un geste vers l'horizon. « Votre reine en porte un de cette région sur son chapeau », annonce-t-il fièrement. « Lady Di en avait un aussi pour ses fiançailles, cadeau du prince Charles. Une merveille ! »

Connue dans l’Antiquité sous le nom de 'Ratna Deepa' (île des gemmes), Amaranth et moi sommes au cœur du «pays des joyaux» de l’île de Ceylan dont les saphirs bleus ornent la couronne britannique, Diana en portait un au doigt (maintenant c’est au tour de Kate Middleton, la duchesse de Cambridge). Cette terre est si riche en trésors que des pierres précieuses peuvent parfois étinceler dans la boue après une pluie tropicale torrentielle.

Un générateur s'embrase, pompe l'eau de la carrière souterraine et marque le début d’une journée de travail. Amaranth se dirige vers la «malpala» située au bord de la fosse, elle apporte sécurité et sérendipité à cette entreprise des plus risquées. « Je viens ici pour prier afin d’échapper à l’angoisse sécrétée par cet environnement claustrophobe, je viens aussi dans l’espoir que ce lieu va me porter chance », dit-il. On offre ensuite des fleurs de jasmin pour, espérons-le, accélérer sa sortie d'une vie dépourvue d’opportunités et de satisfaction. « La semaine dernière, on a déterré un saphir étoilé d’une valeur de 100 millions de dollars dans cette région. Nous rêvons tous de faire une telle découverte », ajoute-t-il avant de descendre lentement dans les ténèbres.

La quête d’un butin d’une valeur aussi royale est le fruit du destin au Sri Lanka. Une équipe d’astrologues a été chargée de choisir l’emplacement exact de la mine, leurs intuitions superstitieuses les ont guidés vers un point situé à proximité d’un tronçon de l’A4 rempli de nids de poule. Des techniques de construction séculaires compliquent encore un peu plus loin leurs recherches ; selon des rumeurs, deux hommes ont été tués dans l’effondrement d’un tunnel dans un champ voisin. "À ce jeu, vous pouvez devenir riche ou mort !", me confie de façon dramatique le sous-chef de la mine.

Avant le déjeuner, s’égrènent de longues heures de travail, de lourds sacs de gravier font courber les échines jusqu’à la surface. Amaranth émerge en sueur, sali par les sédiments. Il prend une douche sous le tuyau de sortie de la pompe à eau avant de rejoindre la file pour le déjeuner.

Les bols sont abondamment remplis de riz rouge, d’un dhal (sorte de purée) aux lentilles et aux pommes de terre « C'est un lieu religieux et si nous voulons la bonne fortune, nous devons être respectueux envers le dieu Saman (une des divinités de l'île), c’est la raison pour laquelle aucune viande n’est autorisée », explique le contremaître de l'exploitation, « bien que nous ayons parfois du curry fait avec des sprats séchés, mais bon, ça, ça va. »

Le déjeuner passe et dans le soleil brûlant de l'après-midi, il faut retourner à ce travail harassant. L’un des amis d’Amaranth lance un gros joint avec de la marijuana. « L’herbe donne de l'endurance pour un travail aussi dur », dit-il en le proposant à son groupe de frères miniers. « Rien dans la vie n’est facile, surtout avec celle que nous menons, c’est comme miser sur un pari dangereux toute la journée, tous les jours. »

Jusqu'à présent, ce pari risqué a produit une petite récolte de grenats, de zircons et de rubis, mais les mineurs ne sont pas encore parvenus à la découverte d’un saphir aux dimensions de celui de Lady Di.

Amaranth, invoquant les bénédictions de Saman dans l’espoir d’un après-midi fructueux, reste toujours confiant. « Je veux avoir une bonne vie. Je veux rencontrer une femme bonne, avoir des enfants et partir en voyage à travers le Sri Lanka parce que c'est le plus beau pays du monde. La seule façon d’y parvenir est de continuer l'exploitation minière. Et je fais confiance aux dieux pour qu’un jour je touche le gros lot. »

FORMIdea Londres, le 29 décembre 2018. Texte traduit de l’anglais par Pierre Scordia.

Photo credit © Simon Urwin

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