John Beaufort est le dirigeant anglais tenu responsable de la dégradation des relations avec le duché de Bretagne, notamment par les pillages livrés par ses troupes anglaises dans les marches bretonnes.
Instabilité dans les marches bretonnes
Les marches de Bretagne sont le théâtre d’un conflit permanent entre Français et Bretons au cours du XIVe et XVe siècles. Cette région frontalière mal définie entre les juridictions ducale et royale constitue pourtant une part importante dans l’économie du duché de Bretagne, notamment grâce à l’industrie textile et à la verrerie de Fougères, aux vignobles d’Ancenis et à l’agriculture de Coglès. Elle représente aussi une étape obligatoire pour les routes commerciales entre le duché de Bretagne et le royaume de France. On retrouve deux types de marches : les « marches communes », disputées par les deux pays, bénéficiant d’une double juridiction, ainsi sont-elles le plus souvent exonérées d’impôt et les « marches avantagères », entièrement bretonnes, payant les taxes au duché.
L’ensemble des marches est le seul endroit qui ne profite pas de la politique de neutralité et d’indépendance des Montfort (dynastie détenant le pouvoir ducal à Nantes) pendant la Guerre de Cent ans. Ces lieux sont fréquemment victimes d’attaques dévastatrices organisées par des bandes de mercenaires cruels, par des troupes françaises résistant à l’envahisseur d’Outre-manche, comme celles du Mont Saint Michel, et enfin par les Anglais occupant la Normandie et le Maine. Ces descentes qui servent de moyen de ravitaillement à un moindre coût ont des conséquences dramatiques sur la population locale, en particulier dans les paroisses avoisinant la Normandie où on observe une chute démographique de plus de 50%. [1]
John Beaufort, duc de Somerset
John Beaufort, duc de Somerset est le dirigeant anglais responsable de la dégradation des relations anglo-bretonnes, notamment par le pillage de La Guerche.
Son parcours : John Beaufort a été prisonnier des Français pendant dix-sept longues années et il n’est libéré qu’au prix fort de 24.000 £, alors que ses revenus annuels sont estimés à 1.000 £. [2] À sa libération, il bénéficie de la protection de son oncle influent, le Cardinal Beaufort, qui réussit, en avril 1439, à le faire envoyer en Normandie en tant que capitaine de plusieurs villes et membre du conseil ducal. Durant cette période, les positions anglaises dans le Maine et en Normandie sont menacées par les troupes françaises et Avranches est assiégée par l’armée du duc d’Alençon, Somerset se fait remarquer par des exploits militaires aidant au rétablissement d’un certain degré de stabilité dans le duché normand.
En mai 1440, le roi Henry VI le récompense en le nommant provisoirement Lieutenant-gouverneur général sur le fait de la guerre, dans l’attente de trouver un successeur au comte de Warwick qui occupait jusqu’à lors ce poste. [3] Cette charge intérim permet à John Beaufort d’élever son rang social et de redresser sa situation financière.
À partir de mai, pendant une année, il administre le pouvoir civil et militaire en France et reçoit du roi un apanage royal (Royal Grant). Il est aussi nommé chevalier de la Jarretière pour avoir repris Harfleur aux Français, notamment avec l’aide son frère, Edmund. [4] Notons que son alliance passée avec le duc de Bretagne assure l’assise sur la frontière ouest. Avec l’arrivée du duc d’York au gouvernement à Rouen, Somerset ne participera plus à la défense de la Normandie.
Mission guerrière confiée à John Beaufort
L’événement qui fait revenir Somerset sur la scène politique en France est l’offensive militaire des Français sur la Dordogne. En 1442, la Gascogne est laissée pratiquement sans défense, tandis que la Normandie n’est pas encore entièrement sécurisée. Il devient alors urgent pour les Anglais de lancer une grande offensive en France dont le but serait d’intimider les ennemis et de les inciter par la force à négocier une paix, mission militaire que le roi Henry VI confie à John Beaufort. Selon l’historien gallois Jones, Somerset est choisi par défaut car il n’y a pas d’autres volontaires parmi l’aristocratie qui veuillent s’aventurer en France, il bénéficie d’un soutien de poids, celui de son oncle puissant, le Cardinal Beaufort qui finance l’expédition par des prêts. [5] Les Anglais souhaitent une campagne d’envergure qui mettra à feu et à sang, « most cruel and mortel werre », les territoires français restant sous le contrôle des Valois.[6] On prévoit une armée d’environ 4.500 hommes mais très peu de nobles se sont enrôlés. [7]
[1] J.P. Leguay et H. Martin, Fastes et Malheurs de la Bretagne ducal, 1213-1532. Rennes, Ouest-France, 1982, 199-206. Voir aussi les travaux de René Cintré sur les marches de Bretagne. René Cintré, « La frontière franco-bretonne au Moyen Age », Thèse de doctorat d’État, 3 vol. Dactyl., Rouen, 1989 et Les Marches de Bretagne au Moyen Age, Éditions Jean-Marie Pierre. 1992.
[2] Michael K. Jones, « John Beaufort, duke of Somerset and the French expedition of 1443 », Patronage, The Crown and The Provinces in Later Medieval England. Ralph A. Griffiths (éd.), Gloucester & Atlantic Highlands, N.J., Allan Sutton & Humanities Press, 1981, 81.
[3] M.K. Jones mentionne que le poste de lieutenant-général de France avait été proposé au duc de Gloucester, mais celui-ci demanda un délai pour lever une armée. C’est la raison pour laquelle on confia provisoirement ce poste au comte de Somerset. Ibid., 94.
[4] Ibid., 80-85.
[5] Ibid., 85-86.
[6] Ibid., 87.
[7] D’après les livres de comptes, l’armée de Somerset comprenait un banneret, six chevaliers, 592 hommes armes et 3.949 archers. Ibid., 92.