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Film : Mal de pierres

« Donnez-moi la chose principale ou laissez-moi mourir », demande Gabrielle à Dieu dans « Mal de pierres », interprété par Marion Cotillard et réalisé par Nicole Garcia. Dans ce film, tout se développe autour d’une passion amoureuse et d’une croyance en ce Dieu sans doute le seul par qui la protagoniste se sent comprise et aidée. Personne mieux que lui, mort par amour et représenté dans ce symbole en forme de croix, ne peut la comprendre.

Aucun des personnages ne semble se rendre compte qu’il s’agit d’une femme qui vit entre l’espoir et parfois le désespoir et que ce sentiment donne un sens à son existence à la fois terrestre et spirituel, existence portant même sa propre stigmatisation avec son mal de pierres.

Le film débute avec une scène d’une famille en route vers Lyon dont le fils participera à un concours national au conservatoire. Gabrielle, la mère en question, cherche une bande de fréquence pour rendre ce voyage plus supportable. Elle trouve la Barcarolle de Juin de Tchaïkovski mais son garçon lui demande de ne pas la mettre. Cette séquence fonctionne comme une prolepse dans l’histoire. Nous découvrons au fil du long métrage la raison de ce rejet.

Toute l’intrigue du film est centrée sur les flashbacks, d’abord Gabrielle voit la rue Commines à Lyon. Grâce à cette procédure de tournage, le spectateur assiste à la première histoire d’amour de l’héroïne : un enseignant qu’elle identifie à un personnage du roman qu’elle lit à ce moment-là, Wuthering Heights (d’Emily Brontë) et qui ne semble pas répondre à cet amour. La réalisatrice recourt judicieusement, à travers un gros plan, à l’utilisation d’une scène métonymique où Gabrielle embrasse et lèche passionnément le livre qu’on lui a prêté. Elle restera incomprise, demeurera une romantique tardive dont la maladie physique s’accompagnera d’un mal être profond. Elle n’aura que deux voies : celle d’épouser un ouvrier républicain espagnol qu’elle n’aime pas, José Rabascal (interprété par Alex Brendemül) – union d’ailleurs arrangée par sa mère – ou celle d’être admise dans une clinique afin de soigner son déséquilibre affectif.

À travers un récit traditionnel, formel et sans prétention, García nous montre cette fragile femme de la campagne française d’après-guerre. Mariée, Gabrielle s’entiche à nouveau mais cette fois-ci d’un malade en phase terminale, André Sauvage (interprété par Louis Garrel) qu’elle rencontre dans une clinique suisse où on la soigne contre son mal de pierres.

Comme il sied à tout personnage romantique, la mort de l’un des amants empêche un dénouement heureux ; les regards de Cotillard dans certaines scènes apportent l’extase attendue chez toute héroïne du romantisme. L’utilisation du premier plan dans la scène où les deux curistes font l’amour suscite l’empathie car l’image est belle et mystique, rappelant celle de Teresa du Bernin.

Introspective, mélancolique, Gabrielle remercie son dieu de lui avoir accordé la faveur qu’elle lui avait demandée : lui donner « la chose principale ». Sans qu’elle soit une fervente croyante, l’héroïne exprime une volonté de calme résignation lorsqu’elle apprend plus tard qu’André est décédé le jour même de son départ de la clinique.

Pour rendre l’histoire intéressante et crédible, Nicole Garcia, à l’imagination de son personnage, montre l’obstination à nier un amour impossible, révélant ainsi une fois de plus la cohérence de son personnage sur la voie de la connaissance et de la compréhension.

Traduit de l’espagnol par Pierre Scordia. Version en espagnol

Film Mal de Pierres de Nicole Garcia (France/Belgique/Canada), 2017. Disponible sur la plateforme Netflix. 

Poème d’Henri Michaux (1899-1984)

Ce film me fait penser à ce poème :

MA VIE

Tu t’en vas sans moi, ma vie.

Tu roules,

Et moi j’attends encore de faire un pas.

Tu portes ailleurs la bataille.

Tu me désertes ainsi.

Je ne t’ai jamais suivie.

______

Je ne vois pas clair dans tes offres.

Le petit peu que je veux, jamais tu ne l’apportes.

À cause de ce manque, j’aspire à tant

A tant de choses, à presque l’infini…

A cause de ce peu qui manque, que jamais tu n’apportes.

La nuit remue.

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