Ripley : un thriller élégant et envoûtant

Signé Pierre Scordia

Ripley, la série adaptée des romans de Patricia Highsmith – disponible sur Netflix – est un chef-d’œuvre, aussi bien par la richesse de son scénario que par la qualité de son interprétation et de sa mise en scène. Dès les premiers épisodes, on plonge dans l’Italie des années 1950, sublimée par une photographie en noir et blanc, et l’on se laisse captiver par le personnage énigmatique de Tom Ripley, incarné avec brio par l’acteur irlandais Andrew Scott.

Ripley est insaisissable. Certains, dans son entourage, le soupçonnent d’une attirance pour les hommes, mais cette inclination demeure discrète, dissimulée, peut-être refoulée. À l’origine, Tom Ripley n’est qu’un petit escroc new-yorkais, vivant de combines modestes. Sa vie bascule le jour où un riche homme d’affaires américain lui propose de se rendre en Italie pour convaincre son fils, Dickie, de rentrer aux États-Unis – tous frais payés.

En Italie, le contraste avec son existence misérable à New York est saisissant. Ripley découvre et savoure rapidement la Dolce Vita. Esprit brillant, il s’enthousiasme pour la langue, la culture, et en particulier pour Caravage, dont la vie violente et passionnée semble faire écho à la sienne. Une fascination ambiguë s’installe : Ripley se projette-t-il dans ce peintre à la fois génial et meurtrier ?

Sur la côte amalfitaine, Ripley se rapproche de Dickie Greenleaf. Il lui révèle la véritable raison de sa venue ; Dickie, touché, l’invite à s’installer chez lui. Ripley voue une admiration totale à son hôte : son style, sa richesse, ses goûts raffinés, sa maîtrise de l’italien. Mais leur complicité naissante est troublée par Marge, la petite amie de Dickie, qui perçoit d’emblée Ripley comme un intrus, un manipulateur étrange, un « queer », selon ses propres mots.

Lorsque le père de Dickie découvre la supercherie, il met fin au contrat passé avec Ripley. Celui-ci, désormais séduit par cette nouvelle vie qu’il ne veut à aucun prix abandonner, se retrouve acculé. C’est là que naît le portrait du tueur. Plus rien ne doit entraver sa quête : ni son désir de posséder l’autre, ni sa soif d’une identité neuve. Quiconque se met en travers de son chemin devient un obstacle à éliminer.

Le meurtre devient une nécessité. L’intelligence froide et le machiavélisme prennent le dessus. La série ne joue pas sur les effets de choc, mais sur une tension constante, nourrie par les imprévus et la ruse. Le suspense est feutré, porté par un sublime noir et blanc, où ombres et lumières rappellent les toiles du Caravage.

Les sentiments de Ripley restent voilés. Son portrait demeure ambigu, complexe. Les images, souvent, en disent plus long que les dialogues. La série adopte un angle à la fois esthétique et poétique : on déambule dans les ruelles escarpées d’Amalfi, les avenues majestueuses de Rome, les canaux oniriques de Venise, les places vibrantes de Palerme. Le noir et blanc, hommage discret à Fellini, confère à l’ensemble une beauté hypnotique.

Le casting italien est remarquable : même les seconds rôles apportent une profondeur inattendue. Chacun observe, interroge, laissant planer le doute : bienveillance ou menace ? Le jeu des regards suffit à installer le trouble. Mention spéciale à Maurizio Lombardi, excellent dans le rôle de l’inspecteur Ravini.

La conclusion est saisissante. Ripley est une œuvre rare, à la fois élégante et glaçante. À voir absolument.

Image couverture : Netflix©2023

BANDE ANNONCE SOUS-TITRÉE


Le Caravage – David avec la tête de Goliath (Wikipedia)


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