Ukraine : Suite et fin calamiteuse

Agression russe et trahison américaine

Voilà trois années que la Russie mène contre l’Ukraine une guerre d’agression (1). Bien qu’épuisée, l’Ukraine continue à résister courageusement et à tenir la ligne de front.Le président Trump souhaite imposer la paix, une idée noble en soi. Mais comment accorder sa confiance au pouvoir en place à Moscou ? Rappelons que Poutine est un dirigeant cynique, corrompu et cruel, dans la lignée de nombreux grands leaders russes et soviétiques qui ont marqué l’histoire du pays. Il signe un accord avec l’Ukraine pour permettre l’exportation de blé vers l’Afrique, puis fait bombarder le port d’Odessa dès le lendemain. Pour marquer le troisième anniversaire de « l’opération spéciale », et ce malgré les pourparlers en vue d’un accord de paix, il lance une attaque massive de drones contre l’Ukraine. Toute opposition est méthodiquement réduite au silence : assassinats, empoisonnements, emprisonnements, que ce soit en Russie ou dans les territoires occupés. La paix ne se construit pas avec un tyran. Souvenons-nous de la déclaration de Margaret Thatcher lorsqu’elle révéla au monde qu’elle n’avait pas vu une once d’humanité chez Poutine lors du naufrage du sous-marin Koursk en 2000. Le sort des matelots russes le laissait de marbre, ce qui choqua l’ancienne Première Ministre britannique.

Trump semblerait prêt à faire d’importantes concessions à la Russie pour parvenir à la paix. Livrer l’Ukraine en pâture semble être le cadet de ses soucis, même si cela suscite étonnement et indignation en Europe. Ce revirement américain apparaît en réalité comme un acte de trahison. Après tout, ce sont les puissances occidentales qui ont incité les Ukrainiens à adopter une orientation pro-occidentale, notamment à travers le partenariat économique et politique conclu entre l’Union européenne et l’Ukraine. C’est d’ailleurs le refus du président ukrainien de l’époque de signer cet accord à Vilnius, en novembre 2013, qui a déclenché la Révolution ukrainienne. On se souvient de la conversation piratée de Victoria Nuland, secrétaire d’État assistante aux affaires européennes et eurasiennes, et l’ambassadeur des États-Unis en poste à Kiev. Dans cet échange, la diplomate américaine répartissait les postes au sein du futur gouvernement issu de la Révolution de la Dignité, en février 2014. Il ne faudrait toutefois pas en conclure que cette révolution était un coup d’État. Après le massacre de la place Maïdan et la fuite de Viktor Ianoukovytch, ce dernier fut légalement démis de ses fonctions par son propre parlement. La révolution a constitué une opportunité politique dont les Américains ont su profiter pour placer leurs pions sur le nouvel échiquier.

Je n’ai jamais réellement saisi pourquoi, à la veille de l’invasion russe, le président Biden a réaffirmé à plusieurs reprises qu’aucun soldat américain ne serait envoyé combattre en Ukraine. Une telle position, exprimée avec autant de clarté, pouvait aisément être interprétée comme une forme de feu vert implicite à l’agression. Si tel était l’objectif, force est de constater que la Russie s’est engouffrée dans ce qui pourrait apparaître, rétrospectivement, comme un piège — un piège qui s’est mué en bourbier. Une posture plus équivoque, dans un communiqué officiel évoquant la possibilité d’une intervention américaine, aurait probablement dissuadé Vladimir Poutine, un dirigeant dont la lecture du monde semble se fonder essentiellement sur le rapport de force.

Lors de l’invasion russe du 24 février 2022, le gouvernement Biden a attendu prudemment quatre semaines avant de livrer des armes efficaces à Kyiv, le temps d’évaluer la capacité de résistance des Ukrainiens. Biden, comme de nombreux Européens, craignait que l’armement occidental soit saisi par les Russes. Ensuite, de nombreux Occidentaux, en particulier les Américains, les Français et les Allemands, redoutaient une chute du régime de Poutine, avec ce mantra en tête : « better the devil you know than the devil you don’t » ; personne ne souhaite que l’immense arsenal nucléaire russe tombe entre de mauvaises mains.Il est indéniable que l’avancée des troupes de Prigojine sur Moscou, en juin 2023, a semblé témoigner de la fragilité du régime et de son manque de popularité. Les Russes ne se sont pas mobilisés dans les rues pour soutenir un régime en péril, menacé par les mercenaires de Wagner. Dès lors, il paraît probable qu’une défaite sur le front militaire ukrainien aurait pu précipiter la chute de Vladimir Poutine, ce qui explique pourquoi l’Occident, et tout particulièrement Washington, n’a pas souhaité voir l’Ukraine triompher.

La Pax Trump en Ukraine apparaît comme un développement regrettable, dans la mesure où ce sont les États-Unis qui ont activement poussé l’Ukraine à se tourner vers l’Occident et à envisager une adhésion à l’OTAN. Pourtant, à l’époque, bien que les Ukrainiens aient manifesté un soutien majoritaire pour un rapprochement avec l’Union européenne, une large majorité demeurait résolument opposée à toute alliance avec l’OTAN. Aujourd’hui, cependant, l’adhésion à l’OTAN s’affiche comme un objectif inscrit dans la Constitution ukrainienne, marquant ainsi un tournant majeur dans la politique étrangère du pays.Il n’est point exagéré d’affirmer que l’Amérique sous Trump est en train de trahir les Ukrainiens, réduisant leur pays à un simple fardeau aux yeux des États-Unis. Pire encore, Trump exige de l’Ukraine des « réparations » pour les aides financières octroyées par l’administration Biden, des fonds qui, en grande partie, sont demeurés sur le sol américain et ont contribué à la relance de l’industrie de l’armement américaine. Comment peut-on enjoindre l’Ukraine à céder ses précieuses ressources naturelles, ces terres rares tant convoitées, tout en lui imposant un cessez-le-feu d’une nature manifestement désavantageuse ? Les sacrifices humains consentis par la population ukrainienne, au nom de la liberté, de l’indépendance, du rêve européen et du rapprochement avec l’Occident, n’auraient-ils donc été vains ? Et ce n’est ni l’Europe, ni même la France, qui seront en mesure de prévenir cette catastrophe. Comment la France pourrait-elle s’opposer à la Russie, alors qu’elle demeure incapable de défier l’Algérie, qui l’humilie chaque semaine ?

Avant la guerre en Ukraine, deux puissances militaires mondiales s’imposaient : les USA et la Russie. La Chine, puissance montante rivalise avec les deux autres désormais. L’approvisionnement en gaz liquéfié en provenance des États-Unis, ainsi que l’acquisition d’armements, participent activement à la prospérité économique de ce pays. Les Européens sont-ils devenus les dindons de la farce ?En 2022, Poutine qualifiait l’Ukraine de nation artificielle. Trois ans plus tard, Trump affirme que le Canada est un pays non viable, une déclaration qui glacera les esprits. La fin de l’histoire ne fut qu’une brève illusion !

(1) : Dans les faits, la guerre menée par la Russie contre l’Ukraine a commencé en mars 2014, avec l’annexion de la Crimée. Elle fut suivie par de nombreuses opérations violentes dans le Donbass et dans le sud de l’Ukraine.  

Photo by Eugenia Sol: https://www.pexels.com/photo/peaceful-protest-with-ukrainian-flag-in-zagreb-30855176/

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Photo by Nataliia Pugach: https://www.pexels.com/photo/people-on-anti-war-demonstration-11388509/

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