Les régions cardinales et l’imposture des Pays-de-la-Loire
Lorsque vous regardez une carte de France, vous observez une anomalie dans la forme des régions, une en particulier: les Pays-de-la-Loire, région fantoche créée par l’État français pendant la deuxième moitié du XXe siècle dans le seul but d’affaiblir sa voisine à l’identité régionale très forte : la Bretagne.
Il est clair que pour Paris, l’idéal serait une carte où vous auriez au centre (centre-Nord pour être plus précis) la Capitale entourée de tous ses satellites dénommés par des points cardinaux : la région Nord, la région Sud, la région Sud-Ouest, la région du Grand-Ouest, la région du Grand-Est et la région Centre. Ainsi n’y aurait-il pas de meilleures dénominations pour rendre impossible le rayonnement de la province française à l’international. La vieille élite de l’ère pré-macroniste a changé progressivement le nom des régions millénaires françaises : adieu l’Alsace-Lorraine devenue Grand-Est. La nouvelle région au nord a tout de même évité le pire en adoptant la belle dénomination vide de sens : « les Hauts de France ». Quant à la Provence-Côte d’Azur dont le nom fait rêver le monde entier, elle a été rebaptisée Région Sud (officiellement Région Sud Provence-Alpes-Côte d’Azur, comme si le nom n’était déjà pas assez long). On pourrait se demander si Messieurs Estrosi et Muselier ont souvent séjourné à l’étranger… Sud ? Qu’est-ce au juste ? Bordeaux, Toulouse, Marseille, Mayotte ?
La création de la région du Grand-Ouest (fusion de la Bretagne et des Pays-de-la-Loire) a été empêchée in-extremis par le refus catégorique de l’actuel ministre français des affaires étrangères, Jean-Yves Le Drian, trop conscient du danger qu’un tel découpage représenterait pour sa région natale dont il fut le président ; le breton est déjà une langue en danger d’extinction, le bilinguisme des panneaux de signalisation encouragé par la région Bretagne est l’une des dernières tentatives pour sauver cette langue celtique de l’anéantissement. Cependant, le prix à payer a été d’affaiblir le poids économique de la Bretagne, la Loire-Atlantique étant injustement reléguée dans les Pays-de-la-Loire.
Pas de méprise, vous ne trouverez pas les beaux châteaux de la Loire dans les Pays-de-la-Loire qui sont en réalité une imposture dénominative. La plupart des châteaux se trouvent dans la région voisine « Centre » qui après avoir bataillé pendant de nombreuses années a été enfin autorisée par Paris à se renommer « Région Centre-Val de Loire ». Les Pays-de-la-Loire ne sont qu’un fourre-tout illogique qui réunit le poumon économique de la Bretagne (le pays nantais), l’Anjou, le Maine et une partie du Poitou (la Vendée). Seulement deux des cinq départements ont la Loire qui les traverse.
Une réforme territoriale respectueuse des identités régionales s’est heurtée à l’avis de nombreux élus locaux faisant fi de l’opinion des citoyens de leur municipalité et de leur circonscription. Peut-être étaient-ils plus préoccupés par des perspectives de carrière que par la création de régions cohérentes ? François Fillon qui s’est forgé une réputation de malhonnêteté refusait l’éclatement de la région Pays-de-la-Loire dont il fut président entre 1998 et 2002. Il aurait déclaré qu’il serait dommage de détruire 30 ans d’efforts et de travail, en d’autres mots, qu’il serait préférable de détruire 1200 ans d’histoire en amputant la Bretagne.[1]
La fille d’un ami habitant Quimper (en Basse-Bretagne) avait placé Nantes en Bretagne lors d’un examen de géographie, cela fut sanctionné par un zéro car, selon la prof, Nantes n’était plus en Bretagne mais dans les Pays-de-la-Loire quoiqu’en réalité le pays nantais ait toujours été en Haute-Bretagne. Cette appréciation équivaudrait à nier que Belfast se trouve en Irlande ! Enfin, certains bureaucrates ont trouvé un argument irréfutable, une guerre potentielle de clochers empêcherait d’avoir deux « grandes villes » - qui n’en sont pas - Rennes et Nantes dans une même région. Comme si on interdisait de mettre Marseille et Nice dans la région Provence-Côte d’Azur !
Certes, on peut arguer d’un simple tracé administratif mais le problème est que la Région des Pays-de-la-Loire tente à tout prix de créer une identité ligérienne et celle-ci passe par la destruction de l’identité bretonne dans le pays nantais [2]. Cette politique porte quelques fruits puisque plus de 25% de la population Loire-Atlantique ne se considèrent plus bretonne (contre environ 70% qui souhaiteraient le rattachement de leur département à la région Bretagne).
Alors que l’austérité est en place, on a laissé l’ancienne administration socialiste de la Région Pays-de-la-Loire dépenser plus de 105 millions d’euros pour promouvoir l’image de leur région méconnue : un échec selon Frank Louvrier, nouveau président du comité régional du tourisme qui a déclaré que la destination touristique Pays-de-la-Loire n’existe pas. On laisse désormais aux communes la gestion de la promotion touristique ; la dénomination Bretagne Plein Sud ou Bretagne Loire Océan est désormais préférée. D’ailleurs, tous les magasins destinés aux touristes, à Nantes ou à la Baule, sont centrés sur la Bretagne. On soupçonne le gouvernement français de vouloir retirer Nantes de la cour d’appel de justice de Rennes – seule administration qui respecte encore l’intégralité territoriale de la Bretagne - et de la rattacher à la juridiction d’Angers qui n’en a pas la capacité, quitte à payer des millions d’euros supplémentaires.
Il est risqué de prendre la défense de l’identité régionale. On peut perdre toute crédibilité et être catalogué : passéiste, ringard et même antirépublicain. De même dans les médias, vous trouverez de nombreux journalistes qui se moqueront de cette revendication régionale des Bretons. Certes, la Révolution française a apporté de nombreux bienfaits mais ce n’est pas une raison pour faire table rase du passé.
A Paris, on se rend compte qu’une méconnaissance de la péninsule armoricaine et que de nombreux préjugés sur les Bretons persistent. Pourtant, les Bretons restent modérés, libéraux et pro-européens. La Bretagne n’a jamais été une terre de prédilection pour le Front National, la gauche extrémiste et les mouvements populistes. Il s’agit en réalité de la région la plus riche par habitant et la plus diplômée. Rien d’étonnant qu’elle ait voté massivement pour Emmanuel Macron et son parti La République en Marche lors des élections de 2017.
Il est temps qu’un Président français récompense le régionalisme ouvert car contrairement à la Corse ou même à la Catalogne, l’identité bretonne se base sur ce mantra : « qui aime la Bretagne est breton ». Espérons qu’Emmanuel Macron fera justice à une Bretagne loyale et fière de son identité à la fois française, républicaine et bretonne et qu’il ne s’opposera pas à une éventuelle réunification de la Bretagne.
FΩRMIdea Londres, le 11 janvier 2018. Publié aussi dans AgoraVox.fr
Notes de l’auteur
[1] François Fillon qui s'inquiètait "d'un démantèlement de la région Pays de la Loire au profit des quatre régions voisines"déclara : "30 ans de travail des cinq départements qui composent les Pays de la Loire et qui ont dû apprendre à travailler ensemble, se forger une identité et des objectifs communs". https://france3-regions.francetvinfo.fr/pays-de-la-loire/sarthe/reforme-territoriale-francois-fillon-contre-demantelement-pays-loire-476599.html
[2] On note toutefois que la ville de Nantes vient d'installer des plaques bilingues (français-breton) pour signaler le nom des rues au centre-ville.
En 2016, la Normandie a été réunifiée mais la Bretagne reste amputée. Quant au Poitou, il a rejoint la grande région Nouvelle Aquitaine mais toujours sans la Vendée. Le Maine et l'Anjou n'ont toujours pas été incorporés au Val de Loire (Centre), bien qu'ils partagent de nombreux liens historiques, culturels et touristiques avec la Touraine et le Berry. La dissolution de la région des Pays-de-la-Loire serait souhaitable afin de créer des entités régionales cohérentes.
De nombreux commerces et entreprises en Bretagne (incluant ceux de la Loire-Atlantique) refusent l'amputation administrative de leur région millénaire. Photo : Bio-coop de Lorient (Morbihan).
L’argumentation d’une Bretagne, basée sur les liens économiques et les échanges démographiques actuels entre l’entité Loire-Atlantique et la Bretagne, serait plus objective, réelle et plus percutante que les arguments passéistes ou exogènes. La Bretagne ne se limite pas a son passé et à ses touristes… La Bretagne fait partie des régions européennes les plus dynamiques ! Elle est suffisamment forte et conquérante pour que le « Grand-Ouest » s’appelle Bretagne. La population de la Mayenne, de la Sarthe et du Maine a une large proportion de Bretons expatriés. Le gallo et le mainiau sont extrêmement proches, les noms de lieux-dits sont semblables à ceux de la Haute-Bretagne. C’est avoir une piètre opinion de la Bretagne de la croire incapable de s’étendre vers l’Est. Même si, comme vous, j’utilise une argumentation passéiste, la Bretagne du bas Moyen-Âge englobait également la Mayenne, l’Ouest sarthois (dont Le Mans), le Nord-Ouest angevin et même le Cotentin !
Bien sûr, il est évident pour moi que le pays Nantais doit retourner en Bretagne et qu’il doit être mis fin au dictat de Paris en respect de la volonté des populations. Mais pourquoi y mettre fin en imposant un nouveau dictat aux Mainieaux en les incorporant de force dans une région Centre-Val-de-Loire avec laquelle ils n’ont que très peu de relations ? À défaut de pouvoir retourner en Bretagne, pour le plus grand malheur des Bretons y vivant, pourquoi ne pas laisser les Mainiaux choisir leur région d’adoption ? Vous appliquez les méthodes que vous reprochez au Pouvoir Central… En second choix, les Mainiaux se sentent plus proches de la Normandie que du Centre-Val-de-Loire, dont ils ignorent l’existence même…
Votre argumentation est intéressante et les derniers sondages vous donnent raison. Les habitants du Maine et Loire, de la Sarthe et de la Mayenne ne semblent pas vouloir d’un Grand Val de Loire. Il est clair qu’il revient aux habitants de la Sarthe de choisir la région qu’ils veulent intégrer ou constituer. C’est argument est aussi valable pour les habitants de la Bretagne historique s’ils veulent former une région administrative à cinq départements.
Quant à une fusion des deux régions, je crois qu’elle nous sera imposée de toute façon. Elle serait la seule solution envisageable pour un État hostile à une Bretagne à cinq départements. Toutefois, je ne suis pas sûr qu’un “Grand Ouest” mène une politique bienveillante à l’égard des bretonnants.