DAVID STOLIAR, L’ENFANT MIRACULÉ DE LA TRAGÉDIE DU STRUMA EN 1942

Auteur: Rinaldo Tomaselli

David Stoliar Né le 31 octobre 1922 à Kichineff (Kishinëv; Kişinöv, Chișinău), Bessarabie, Royaume de Roumanie, décédé le 1er mai 2014 à Bend, Oregon, Etats-Unis d’Amérique.

Chisinau est la capitale de la République de Moldavie. Durant son histoire, la ville est passée successivement sous le contrôle de la Pologne-Lituanie, des Ottomans, des Russes, des Roumains et des Soviétiques. En 1919, la ville et toute la Moldavie sont annexées par le Royaume de Roumanie. Chisinau est très cosmopolite et si les Moldaves de langue roumaine sont majoritaires, on y trouve de grandes communautés juive, ukrainienne, russe, allemande, polonaise. De plus petites communautés sont également présentes et formées principalement par des marchands grecs, italiens, arméniens et turcs.

David Stoliar est né le 31 octobre 1922 dans cette ville, mais il n’a que cinq ans lorsque ses parents décident de partir. Jacob, le père de David, a un frère établi à Vence, dans le sud de la France. Il est hôtelier et il est probable de trouver un moyen de travailler ensemble. La famille quitte la Roumanie en 1927 et arrive dans une France qui traverse une crise économique qui touche d’ailleurs toute l’Europe. Les affaires ne marchent pas. La famille essaie de s’accrocher, mais décide finalement de retourner en Roumanie en 1932.

Installés à Bucarest, le couple ne s’entend plus. Ils divorcent la même année et la mère de David s’en retourne en France et aménagea chez l’un de ses frères à Paris. Jacob refuse de la laisser emmener le petit David âgé alors de 10 ans. L’enfant est placé en internat à Bucarest et Jacob travaille dans l’entreprise de textile de son frère. En 1940, le lycée de David exclut les enfants juifs, puis à la fin de l’année, les autorités roumaines l’envoient dans un camp de travail forcé dans les environs de la capitale. Les conditions de vie dans le camp de travail sont difficiles, mais David les supporte pendant une année.

Au début du mois de décembre 1941, Jacob, qui est toujours à Bucarest, trouve un bateau en partance pour la Palestine. D’emblée il réalise qu’il ne trouvera pas l’argent nécessaire pour faire libérer son fils et pour partir tous les deux. Le billet de bateau avec les autorisations d’émigrer, reviennent à près de 1.000 dollars par personne, une véritable fortune. Il décide donc que ce sera son fils qui partira. Il achète le billet et la liberté de David, puis soudoie des fonctionnaires pour obtenir un passeport. Quand tout est réglé, David part pour Constantza d’où le bateau doit rejoindre Istanbul. Là, il devra se procurer le visa britannique afin de rejoindre la Palestine. Le 12 décembre 1941, David Stoliar est à bord du « Struma » qui l’emmènera loin de la Roumanie et du fascisme.

Le Struma sur le Bosphore - Spiegel.de

Les Juifs de Roumanie ont subi à peu près les mêmes horreurs que dans le reste de l’Europe pendant la Seconde guerre mondiale. Les régions roumaines cédées aux alliés de l’Allemagne en 1940 (Hongrie, URSS, Bulgarie) où vivait plus de la moitié des Juifs de Roumanie, ont été plus exposées aux déportations, massacres et pogroms. Toutefois, les mesures discriminatoires envers les Juifs ont été appliquées dès 1937 sur l’ensemble du territoire. Après le Traité d’alliance entre l’Allemagne et la Roumanie en 1941, le gouvernement a refusé de déporter les Juifs vers les camps d’extermination allemands, et en a laissé partir plusieurs milliers vers la Turquie, en leur faisant payer naturellement leur liberté et en leur interdisant de transporter tout objet de valeur.

L’association sioniste Alyah à Budapest organisait autant que possible le passage de Juifs vers la Turquie, puis vers la Palestine sous mandat britannique. En février 1941, elle avait réussi à faire passer 450 personnes sur un bateau grec. En décembre 1941, elle rééditait l’expérience avec 769 Juifs à bord d’un bateau d’une société grecque battant pavillon du Panama.

Le Struma était dans un état de délabrement avancé. Il avait été construit en 1867 en Angleterre. La machinerie était mal en point et la coque complètement rouillée, tandis que le chauffage ne fonctionnait plus. Le bateau avait une infirmerie de huit lits, une cuisine et une buanderie, ainsi que dix toilettes pour les 769 passagers et   les dix membres d’équipage. Le voyage devait prendre 14 heures, mais le bateau tomba en panne plusieurs fois et n’arriva dans le Bosphore que le 16 décembre.

Le Royaume-Uni, qui désirait limiter l’afflux des réfugiés vers la Palestine fit pression sur la Turquie pour maintenir le bateau en mouillage à Istanbul, empêchant les 397 hommes, 269 femmes et 103 enfants de débarquer. A l’exception de neuf passagers qui avaient des visas anglais, les autres furent mis en quarantaine. Pendant que les négociations se déroulaient entre Britanniques et Turcs et que le bateau était gardé par des soldats, trois membres de la communauté juive d’Istanbul furent autorisés à ravitailler les réfugiés avec l'aide de la Croix-Rouge. Alors que les conditions d’hygiène et de vie devenaient intolérables, les négociations entre les deux pays piétinaient, tandis que la Roumanie refusait un éventuel retour. L’équipage qui avait craint cette éventualité avait par ailleurs saboté la machinerie.

Passagers du Struma à Istanbul

Après 71 jours d’attente, le gouvernement turc en vue de faire céder les Britanniques, décida de remorquer le bateau en mer Noire et de l’abandonner à la dérive au large de la côte turque. Le lendemain matin, le 24 février 1942, le Struma fut torpillé et coula avec ses 760 passagers et les dix membres d’équipage. Des pêcheurs du village de Şile trouvèrent David Stoliar accroché à un débris qui flottait. Ce fut le seul survivant. Après son sauvetage, David Stoliar a été arrêté et détenu par les autorités turques. Les Britanniques lui délivrèrent enfin un visa six semaines plus tard. Il rejoignit la Palestine en train.

Les Britanniques censurèrent la presse dans leurs territoires y compris en Palestine, mais l’affaire fini par s’ébruiter. Le gouvernement justifia son choix en argumentant qu’il s’agissait de ressortissants d’un pays en guerre contre la Grande-Bretagne, venant donc d’un pays ennemi.

On ne sait pas vraiment qui a torpillé le Struma. Certains ont accusé les Britanniques, d’autres les Russes, d’autres encore les Allemands. En 1960, un historien allemand établit que le bateau avait été torpillé par le sous-marin soviétique SC-213, certainement par erreur. En décembre 1999, une expédition d’archéologie sous-marine retrouva l’épave du Struma à 90 mètres de fond et à cinq kilomètres de la côte, mais il fallut attendre l’année 2012 pour qu’une commémoration officielle soit autorisée par le gouvernement turc.  

Le père de David, Jacob Stoliar, a survécu à la Seconde Guerre mondiale. Sa mère a été arrêtée par la police française en 1942 avec son demi-frère né du second mariage. Tous les deux ont été déportés à Auschwitz-Birkenau et y sont morts. David Stoliar a travaillé dans l’industrie pétrolière, puis dans une fabrique de chausses après la guerre. Il s’est marié en 1945 et a eu un fils. Devenu veuf en 1961, il s’expatria au Japon, puis se maria une seconde fois en 1968, avant de s’établir aux Etats-Unis.  Il est mort le 1er mai 2014 à l’âge de 91 ans.

FΩRMIdea Londres, le 1er mars 2018. Avec nos remerciements à Marina Rota, soeur de Rinaldo Tomaselli.

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One thought on “David Stoliar, l’enfant miraculé de la tragédie du Struma (1942)

  1. Stoliar says:

    Hello,
    I am Philippe Serge Stoliar. Nephew of David. I’d like to get in touch with the son of David Stoliar. Thank you.
    My email: philippe.stlr@free.fr

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