Get out : un film délétère qui vous tient en haleine

 

Pierre Scordia

Bande annonce origine (en anglais)

Get Out est un chef d’œuvre cinématographique où des personnages polis, réfléchis, courtois et intellectuels deviennent au fur et à mesure du film de véritables monstres. L’histoire sordide touche le sujet délicat des relations entre Blancs et Noirs dans une Amérique en mutation mais toujours divisée.

Get out est un film qui fonctionne sur plusieurs niveaux : un grand film d’horreur, une comédie, un thriller, une satire sur l’Amérique blanche apparemment libérale. C’est l’histoire d’un jeune photographe noir, talentueux, beau, charismatique et reconnu, qui est invité à passer un week-end chez les parents de sa petite amie, Rose, une fille riche et a priori affectueuse. Dès le début, une légère anxiété s’empare du photographe à l’idée de passer quelques jours dans une famille blanche et bourgeoise. Pourtant, les parents larges d’esprit et accueillants tentent de le mettre à l’aise. A plusieurs reprises, on apprend que le père a voté deux fois pour Obama. Or, on devine qu’un homme sinistre se dissimule derrière son air affable ; il en est de même de sa famille.

Au début du long métrage, on voit un jeune homme noir se faire kidnapper dans une belle rue verdoyante, le soir ; la rue ressemble à celles des films de John Carpenter (Halloween). Mais le kidnappeur ne porte plus de masque et la victime n’est pas un adolescent blanc. Les proies sont désormais des Noirs, ils incarnent les craintes qu’aurait l’Amérique moyenne envers la population afro-américaine. Dans l’histoire de l’Occident et des Etats-Unis, la prospérité reposerait sur l’exploitation de tout ce qui n’est pas blanc européen ou caucasien. Get Out est plus qu’une métaphore et bien meilleur qu’une caricature. L’intrigue est si bien réussie, qu’elle est immédiatement intelligible et qu’il n’y a plus rien à ajouter.

Réalisé par un Afro-américain, Jordan Peele, ce long métrage traite de l’expérience afro-américaine bien que la grande majorité des protagonistes soit blanche et issue de la classe moyenne aisée. Pourtant le film ne les individualise pas. Ils sont pour la plupart libéraux, élégants, cultivés, rationnels et suprématistes. Ils ont une vision enracinée, hostile aux Noirs.

Certes, les législations et les normes culturelles font que l’esclavage et la discrimination n’ont plus leur place dans notre société occidentale et bien pensante mais il en reste néanmoins des relents : le corps du Noir serait plus fort physiquement ou sexuellement. Cette Amérique moyenne censée accepter l’égalité serait en réalité désireuse de posséder et d’utiliser ces corps noirs. Ce film résumerait le point de vue afro-américain, c’est pourquoi Jordan Peele a qualifié son film de documentaire.

Il s’agit d’une vision simple et surprenante pour les Blancs mais pas pour les minorités visibles. C’est une histoire d’horreur américaine conventionnelle, avec une touche d’humour pour certains. Tous les préjugés sont présents dans cette œuvre, même ceux qui persistent dans les communautés noires qui jettent le discrédit sur celui qui a une petite amie blanche ou qui se mélange socialement aux Blancs.

Le suspens diminue à mesure que nous comprenons ce qui se trame et le thriller devient plus traditionnel. Mais la scène finale du film sanglante et vindicative est un vrai choc émotionnel. Elle le doit au talent des acteurs qui nous tiennent en haleine. L’intrigue est parfaitement menée et le dénouement est presque jouissif. Dans la Nuit des morts vivants de George Romero, le protagoniste noir surmonte tous les dangers de l’histoire mais finit par être tué par les autorités militaires. Dans Get Out, le héros survit.

Des connotations dans le film sont éloquentes. Les parents de Rose vivent dans une propriété qui rappelle les plantations de tabac dans la Louisiane. La mère s’appelle Missy, le nom généralement associé à la Maîtresse des plantations. Les domestiques sont noirs et servent une famille blanche et leurs amis. Le film est une distraction intelligente qui confirme que l’esclavage est un processus de déshumanisation.

Get Out est un long métrage qui traite des nombreux préjugés qui sont aussi les vôtres, il nous amène à réfléchir tout en étant passionné par le déroulement des évènements.

FΩRMIdea Londres, le 24 mars 2018.

 

Lea este artículo en español

Bande annonce | Version française

Follow Us

Facebooktwitterlinkedinrssyoutubeinstagram

Generation Hope

March 28, 2018