Sarah Téibo, la jazziste londonienne philanthrope

 

Auteur : Pierre Scordia

A une époque où l’Angleterre traverse une rude quête identitaire, où le pays est plus divisé que jamais, où la chute des investissements devient très inquiétante pour l’avenir économique de la nation, la scène artistique londonienne n’a absolument rien perdu de son dynamisme. Il est vrai que Londres, par son multiculturalisme, sa prospérité et sa stature internationale reste accueillante et créative.

Si de nombreux Londoniens restent déprimés ou embarrassés – pour employer un euphémisme si britannique – par la saga du Brexit, la scène musicale leur permet d’échapper à la torpeur politique qui paralyse la société britannique. Il y a quelques semaines, nous sommes allés à un concert dans une superbe salle conviviale, Pizza Express Holborn, la Ladies Night du jazz avec quatre chanteuses britanniques talentueuses. Celle qui nous a le plus impressionnés est Sarah Téibo qui par son énergie, sa superbe voix grave, sa musique, son sourire et son message d’espoir vous transporte dans un monde rythmé, joyeux et rempli d’espoir.

A la fin du concert, Sarah a tenu à remercier personnellement son public, ce qui nous a permis de la saluer, de la féliciter et de lui parler pendant quelques minutes. Notre première impression fut que cette femme à l’aura de diva était aussi une personne sincère, philanthrope et d’une gentillesse incroyable. Nous ne nous sommes pas trompés.

Sarah, de mère nigériane, est née dans une famille chrétienne où la musique était valorisée : tous chantent mais elle seule décide d’en faire carrière.  Elle a grandi avec les classiques de Motown, de R&B, de soul, ce qui a laissé une grande empreinte sur sa musique. Comme Whitney Houston, elle a commencé à chanter dans un chœur à l’église. Quand on lui demande de qualifier sa musique, trois mots lui viennent : soul, inspiration et easy listening ; l’influence africaine indéniable, elle-même déclare que le groupe Ladysmith Black Mambazo, notamment avec son morceau « homeless » l’a inspirée au niveau du rythme et de l’harmonie. Elle a composé d’ailleurs deux morceaux Afrobeat « I will praise! » dans son premier album et « Blessed » dans son dernier album intitulé Keep Walking.

Grâce à son cheminement spirituel et malgré les vicissitudes de la vie, la gratitude et l’espoir sont des thèmes importants dans les chansons de Téibo. La foi lui a permis de traverser plusieurs épreuves douloureuses, notamment le décès de sa mère sur lequel elle revient avec le thème du pardon. En effet, elle a ressenti beaucoup de colère contre certaines personnes qui auraient pu sauver sa mère. Cette rage ne lui a apporté rien d’autre que peine et dépression, rage qui au lieu de la soulager l’a confinée dans une cage. C’est uniquement avec un lâcher prise qu’elle a gagné une paix intérieure et la liberté. 

La foi reste une source de joie et d’optimisme pour cette chanteuse et pour son public.

A la question, si elle se considère comme une artiste féministe, elle répond qu’elle se méfie du terme « féministe », notion qui est malheureusement incomprise. Elle préfère qu’on la qualifie d’artiste tout court qui soutient d’autres femmes et les aide à entreprendre leurs projets. Elle est aussi ambassadrice pour l’ONG Compassion qui a pour mission de financer les études d’enfants vulnérables, victimes de la pauvreté. D’ailleurs, elle parraine une petite ghanéenne dont l’anniversaire tombe le même jour que celui de sa propre fille.

Maintenir une carrière de chanteuse est un défi car, contrairement à d’autres formes d’art, il n’y a pas de grands mécènes prêts à financer cet art. Malgré son talent remarquable, Sarah Téibo occupe un poste dans la finance à Londres en plus de son rôle de mère de famille. Mais où trouve-t-elle donc le temps et l’énergie ? Elle dit en riant qu’elle est un être nocturne. Elle travaille sur sa musique une fois les enfants couchés. Elle délègue aussi certaines tâches comme le ménage à d’autres personnes en échange d’une rémunération. Il s’agit d’une femme d’une énergie incroyable qui va de l’avant en étant constamment active tout en évitant d’être débordée et surmenée.

Enfin, à la difficile question de choisir sa chanson préférée, elle opte pour « Summer Soft » de Stevie Wonder qui lui rappelle ces moments où elle est assise à côté de sa mère.

Cette année, Sarah Téibo fera une tournée en Australie, participera au grand festival britannique Big Church Day Out ; elle compte chanter en France et en Allemagne.

Form-idea.com Paris, le 27 avril 2019.

Lire son interview en anglais | Read in English

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