Emily in Paris – L’exception culturelle française vue des États-Unis

Emily in Paris est la nouvelle série tendance sur Netflix et elle a été écrite et réalisée par nul autre que Darren Star, l’auteur de Sex and the City. C’est une série légère et divertissante à visionner avant d’aller se coucher. Personne n’en fera de cauchemar; garanti!

Dans ce feuilleton, il s’agit d’une jeune femme américaine de Chicago envoyée par son employeur à Paris pour apporter le point de vue américain dans une prestigieuse société française de marketing. Emily nous tape un peu sur les nerfs mais on finit par s'habituer à sa personnalité enthousiaste et trop polie.

Une fois à Paris, la série démarre vraiment et c’est un petit régal, on constate une kyrielle de préjugés sur les Français et plus particulièrement sur les Parisiens : la mauvaise humeur, l’arrogance, le dédain, la verve, la méchanceté, la résistance à tout changement au travail, la nonchalance, l’infidélité, l'impudeur, le scepticisme, le discours politiquement incorrect, les cigarettes, le sans-gêne, les crottes de chien sur les trottoirs. Mais on y retrouve aussi les clichés positifs : l’élégance, le style, la sophistication, la créativité, l’art de la table, l’esthétique, la culture, l’intellectualisme, l’épanouissement, le vin, le champagne. Bref, cette série maintient l’image d’un Paris mythique qui fait rêver l’Américain ou l’Américaine en quête d’une libération des sens et sans doute à la recherche d’une vie glamour… on est sur les traces du Paris de Joséphine Baker ou de Hemingway.

Il est clair qu’il s’agit d’exagérations mais il n’y a pas de fumée sans feu. Le côté désagréable des Parisiens est légendaire et leur arrogance séculaire. Rien de nouveau ; dans le film Ridicule de Patrice Leconte (1996), on transpose cette société française à la cour de Versailles où l’esprit prime sur tout. Dans Emily in Paris, l’actrice Philippine Leroy-Beaulieu joue merveilleusement bien le rôle de Sylvie, la directrice de la boîte, une parisienne à la fois suffisante, distante, caustique, classe et stylée, s’exprimant dans un anglais parfait, maniant remarquablement les piques, ne faisant aucun effort pour plaire. Dans ce feuilleton américain, le Français a le côté distant des Européens du Nord et le caractère quelque peu explosif des Latins.

Au cours des épisodes, on pourrait être amener à soupçonner que les valeurs américaines menacent la culture française, que ce soit pour l’alimentation ou pour la mode. Par contre, les méthodes américaines de travail auraient plus de difficultés à percer à cause notamment des nombreuses réticences à tout changement. Dans le fond, les « ça va être compliqué » seraient-ils plutôt une marque de paresse que d'une quelconque difficulté? Quant à l’étiquette interdisant de parler affaires lors d’un dîner d’affaires sembleraient irrationnels pour les Américains alors que pour les Français déroger à cette règle équivaudrait à une lourdeur et à un manque de savoir-vivre… Mais est-ce toujours vraiment le cas ?

Enfin, l’effort de se montrer constamment aimable dans un contexte professionnel, comportement qui va de soi aux États-Unis, paraît hors d'atteinte à Paris. Cette observation reste crédible puisque nous avons tous été confrontés à un garçon de café désagréable, à une vendeuse hautaine ou un fonctionnaire exécrable.

Cependant, ces défauts français font partie en même temps de l’exotisme gaulois recherché et prisé par les Anglo-saxons. Dans la série Emily in Paris, les défaillances caractérielles des Parisiens n’empêchent guère Emily de s’attacher à son entourage et d'entretenir cette image idyllique de la ville des Lumières, une ville magnifique, chic et artistique.

Dans cette série, Paris reste sans doute trop blanche, trop riche et trop artistique. On n’y voit pas de sans-abris, de mendiants, de migrants ou de banlieusards. Peut-être que le réalisateur n’a jamais pris le RER ? Darren Star préfère exporter l’image d’un Paris légendaire, d’une douce France qui ne l’est plus, d’un phare artistique qui correspondrait plus aux années folles, image qu’on retrouve aussi dans Moonlight in Paris (2011) de Woody Allen.

Pour conclure, Emily in Paris est sans aucun doute un bon coup de pub pour la France. Paris restera Paris, une ville magnifique remplie de monuments de renommée internationale.

form-idea.com New York, Vendredi 13 novembre 2020. Read this review in English

Emily - Interprétée par Lily Collins

Sylvie - Interprétée par Philippine Leroy-Beaulieu

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Peter Doré

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