María Pita et Augustine d’Aragon, les héroïnes espagnoles

Auteur: Claudio Sales Palmero

Maria Pita et Augustine d’Aragon, héroïnes ibériques respectivement de La Corogne et de Saragosse, sont intervenues au bon moment alors que les troupes espagnoles étaient déjà en train de se désintégrer. Elles ont galvanisé les forces armées et leur ont redonné confiance.

María Pita

María Mayor Fernández de Cámara y Pita, María Pita (La Corogne ou Sigrás 1560? - Cambre 1643)

María Pita est l'héroïne de La Corogne résistant à la marine anglo-néerlandaise de l'expédition Drake-Norris également connue dans l'historiographie anglaise sous les noms de "L’Invincible" ou de "l’armada anglaise". Cette expédition qui ressemblait à celle de la fameuse Armada Invincible de Philippe II d’Espagne contre l’Angleterre, par la quantité de navires et le nombre d'hommes, a tourné, elle aussi, au désastre. Les Anglais avaient trois objectifs : d’abord, profiter de la faiblesse de la marine espagnole de Philippe II après l'échec de  son expédition pour attaquer les ports du golfe de Gascogne, notamment Santander, où les navires étaient en cours de réparation ; ensuite, prendre Lisbonne, provoquer un soulèvement portugais contre les Espagnols, placer le Prieur de Crato sur le trône du Portugal afin d’en faire un État vassal ; enfin, s’emparer des Açores pour les utiliser comme poste d'attaque contre les flottes des Indes espagnoles.

Drake au poste d'amiral et le général Norris sur terre. L’amiral décida de ne pas attaquer Santander, il préféra s’en prendre à La Corogne ; la ville n’étant pas préparée à l’attaque, tout semblait indiquer que ce serait une proie facile. Norris s'empara du bas de la ville, ce qui obligea les assiégés, troupes et population, à se réfugier dans la partie haute de La Corogne. Derrière les murailles, ils opposèrent une résistance farouche aux anglo-néerlandais. À un moment crucial, les Anglais ayant franchi les fortifications, Maria Pita, qui venait de voir son mari mort au combat, se saisit d’une pique, se précipita au devant d’un porte-drapeau anglais, démoralisant ainsi l'ennemi et encourageant les défenseurs qui repoussèrent les assaillants et les forcèrent à réembarquer.

L'assaut avorté contre La Corogne n'était que le début d'une campagne calamiteuse impliquant la perte de 40 navires et de 15 000 hommes pour les Anglais, ce qui entraîna par la suite la disgrâce de Drake. Les historiens n’ont toujours pas d’explications claires sur ce choix stratégique de Drake. María Pita, quant à elle, reçut de Philippe II un salaire à vie de lieutenant et une autorisation de commerce en transport de mules entre l'Espagne et le Portugal. Elle se maria et fut veuve quatre fois, il n’y eut pas de cinquième fois en raison d’une clause matrimoniale de son dernier mari qui lui légua une somme importante. Elle mourut à 83 ans, âge très avancé pour l’époque.

María Pita

Augustine d’Aragon

Agustina Raimunda María Saragossa Doménech, Augustine d’Aragon (Reus ou Barcelone 1786 - Ceuta 1857)

Si son lieu de naissance est incertain, son baptême et son mariage eurent bien lieu à Barcelone bien que sa famille eût vécu à Madrid. Selon les sources de l'époque, à l'âge de 13 ans, elle aimait déjà parcourir les casernes et souffrait de nombreux maux de tête. Fille normale, fille du peuple, son ardent patriotisme ne fut que le produit de la guerre. Peut-être déjà enceinte, elle se maria à 17 ans avec le caporal d'artillerie Juan Roca Villaseca.

Durant l’été 1808, des réfugiés de diverses régions d'Espagne affluèrent à Saragosse sous la pression des troupes napoléoniennes : parmi eux, Augustine et Juan. Étaient-ils des réfugiés ou des envoyés de l’armée royale ? Juan avait déjà participé à plusieurs combats contre les forces françaises depuis le début de la guerre. Au début du mois de juin, les Français étaient déjà proches de la ville dont la garnison militaire était à court de munitions et ne disposait que d’armes à feu obsolètes. Le 15 juin, les assaillants ouvrirent une brèche dans le bastion de la forteresse d'El Portillo où Augustine était venue prendre des pommes pour nourrir les artilleurs. Elle vit les Français charger à la baïonnette et les défenseurs espagnols commencer à reculer. Saisissant la mèche allumée d'un tireur mort, elle tira au canon contre les assaillants, ce qui eut un effet dévastateur et changea la donne. Il est possible que les Français aient cru qu’ils étaient tombés dans un piège d’où un repli des troupes, ce qui permit aux Espagnols de renforcer leurs défenses et de repousser de plusieurs semaines le prochain assaut ennemi.

C’est ainsi qu’Augustine reçut le grade militaire d’« artilleur » du général commandant en chef de Saragosse, José de Palafox. L’héroïne prit une part active dans les sièges successifs de la ville jusqu'à ce que la bataille atteignît son apogée : combats au corps à corps, maison par maison, pertes énormes des deux côtés. Le général Palafox dut finalement capituler. Augustine fut arrêtée et faite prisonnière ; selon certains, elle aurait réussi à s'échapper, selon d'autres, elle aurait été libérée dans le cadre d'un échange. Son exploit à Saragosse a laissé dans l'ombre le reste de sa carrière mais l’illustre guerrière continua à se battre avec les forces de la guérilla, participa au siège de Tarragone ainsi qu’à la bataille de Vitoria qui chassa définitivement les Français de la péninsule.

Elle jouit d'une grande renommée au cours de sa vie. Goya fit des dessins d'elle et Lord Byron l'inclut dans certains vers de Child Harold, bien que dans ces versets, la motivation d'Augustine pour défendre la ville avec un tel zèle fût de protéger la vie d'un amant illicite.

En 1814, le roi Ferdinand VII voulut la rencontrer en personne et, connaissant ses difficultés financières, lui donna une pension à vie. On raconte que la vieille femme aimait encore se promener aux alentours de la forteresse d’El Portillo parée de ses médailles.

Elle mourut à l'âge de 71 ans à Ceuta. En 1908, sa dépouille fut transférée à Saragosse.

FORMidea Nantes, le 12 décembre 2018. Textes traduit par Pierre Scordia.

Augustine d'Aragon

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