Sir Basil Zaharoff, l’ascension remarquable d’un escroc

 

Auteur: Rinaldo Tomaselli

 

Basil Zaharoff : né Zacharias Vasileios Zaharopoulos, le 6 octobre 1849 à Muğla, Empire ottoman, décédé le 27 novembre 1936 à Monte-Carlo, Principauté de Monaco.

Grec d’Istanbul

C’est à Patras, dans le Péloponnèse, que débute l’insurrection grecque contre le pouvoir ottoman en 1821. La révolte est d’abord dirigée contre les institutions ottomanes, suivie du massacre de la population turque. Quand la nouvelle arrive à Istanbul, elle déclenche un pogrom contre les Grecs de la ville.

La famille Zaharopoulos fuit alors la capitale et se réfugie de l’autre côté de la mer Noire, en territoire russe. Elle y reste quelques années, puis après l’indépendance grecque reconnue en 1830, elle revient dans l’Empire ottoman en prenant soit de russifier son nom en « Zaharoff » et en s’installant à Muğla, petite ville en Anatolie occidentale. C’est là que nait Vasileios le 6 octobre 1849.

Vers 1855 les parents et les quatre enfants Zaharoff retournent s’installer à Istanbul, dans le quartier populaire de Tatavla (Kurtuluş).

Début de sa carrière d’arnaqueur

C’est comme guide touristique dans le quartier de Galata que Vasileios (dit Vasili), commença sa longue carrière d’arnaqueur. Il fut accusé de changer de la fausse monnaie aux touristes. Dans la même période, il exerça le métier de pompier, mais là aussi, il fut accusé de mettre volontairement le feu à des maisons pour récupérer des objets de valeurs et les revendre ensuite.

Condamné par la justice anglaise

En 1872, il quitte Istanbul pour Londres où il se marie avec une Anglaise, Emily Ann Burrows, et importe des produits et des biens ottomans pas toujours dans la légalité. Ainsi, il est condamné à une forte amende en 1874 pour une transaction commerciale illégale, puis il quitte Londres pour Athènes. 

À Athènes, il se lie d’amitié avec le journaliste et homme politique Stephanos Skouloudis et le convainc de son innocence dans le procès de Londres. Skouloudis était de Constantinople, mais il était très influent à Athènes et fut plus tard Premier ministre. Il avait fondé avec un autre Stambouliote, Andreas Syngros, la Banque de Constantinople en 1871.

Sir Basil Zaharoff

Usurpateur bigame

Touché par « l’injustice » qui frappait Zaharoff, Skouloudis le proposa comme représentant de la fabrique d’armement de Thorsten Nordenfelt, un Suédois installé en Angleterre. Engagé en 1877, Zaharoff débuta sa brillante carrière de marchand d’armes grâce à l’instabilité politique qui régnait dans les Balkans à cette époque.

En 1883, il se trouve à Galway en Irlande, où il recrute de jeunes femmes pour travailler dans des usines en Amérique du Nord. Puis il passe lui-même aux États-Unis où il devient vendeur pour une entreprise de chemin de fer à Saint-Louis.

Se faisant passer pour le « Zacharias Basileus Zacharoff, prince de Kiev», il épouse en 1885 une riche héritière américaine à Philadelphie, Jennie Billings. Reconnu par des détectives qui sont à sa recherche, il est accusé de bigamie.

Ventes de sous-marins défectueux

Toujours vendeur-commissionnaire pour Nordenfelt, Zaharoff fit affaires avec la plupart des pays d’Europe, le Japon et les États-Unis. En 1886, une de ses ventes les plus notoires, fut celle du sous-marin Nordenfelt I, inventé par le pasteur anglais George Garrett. Il s’agissait d’un sous-marin à vapeur capable d’envoyer des torpilles en immersion. Les grands États n’en avaient pas voulu, et les petits États n’en avaient pas les moyens.

Zaharoff vendit le premier aux Grecs avec des facilités de paiement. Puis, il alla voir les Turcs en leur faisant remarquer le péril que représentait pour eux le sous-marin grec. Les Turcs en achetèrent deux. Enfin, Zaharoff persuada les Russes que les sous-marins de la Grèce et de la Turquie étaient une nouvelle menace pour la stabilité politique en mer Noire. Les Russes en achetèrent deux aussi.

Aucun de ces sous-marins n’a jamais fonctionné. Outre des difficultés de propulsion, la stabilité était un réel problème. Lors d’un essai de la Marine ottomane, l’un des sous-marins a chaviré lors d’un tir d’une torpille. Celui-ci s’est redressé verticalement et a coulé droit par la poupe.

Investisseur dans l’industrie de l’armement et dans la presse

Entre 1886 et 1890, Zaharoff et Nordenfelt s’associent à l’Américain Hiram Maxim qui fut l’inventeur de la mitrailleuse (et de la trappe à souris). La mitrailleuse Maxim eut du succès auprès auprès de la plupart des États.

En 1890, les associés se séparent et Zaharoff reste avec Maxim. Petit à petit, il devient l’actionnaire principal de l’entreprise qui est rachetée par le géant de l’armement de l’époque, la compagnie Vickers (1897) et devint « Vickers, Sons & Maxim ».

Durant la dernière décennie du XIXe siècle et la première du XXe siècle, plusieurs conflits (Japon/Russie, Espagne/États-Unis, Empire ottoman/États des Balkans) et la course à l’armement des États européens, ont fait exploser le marché.

Afin d’influencer l’opinion publique, Zaharoff devint le principal actionnaire de plusieurs journaux en France et en Grande-Bretagne. Des articles sur la nécessité d’avoir une armée puissante favorisa l’industrie de l’armement.

Neutralité incertaine de la Grèce durant la Grande Guerre

Pendant la Première Guerre mondiale, la Grèce était neutre et entendait le rester. Zaharoff fonde alors une agence de presse à Athènes qui répand des nouvelles favorables aux Alliés. Ceux-ci viennent d’attaquer l’Empire ottoman aux Dardanelles (1915), ce qui laisse l’espoir d’un gain territorial si la Grèce entre en guerre.

L’opinion publique grecque est de plus en plus favorable aux Anglais et aux Français et, alors que les Alliés ont été défaits aux Dardanelles par les Ottomans, le roi Constantin Ier est obligé d’abdiquer. Le Premier ministre Eleftherios Venizelos prit le pouvoir. Il était favorable à la « Grande Idée » qui consistait à prendre aux Ottomans les îles de l’Égée, l’Anatolie occidentale et la Thrace y compris Istanbul.

Partisan d’une guerre contre les Turcs

On estime que Zaharoff a consacré cinquante millions de livres anglaises à la cause gréco-occidentale, ce qui ne représente toutefois qu’une fraction des bénéfices liés à la guerre.

Après la Première Guerre mondiale, plusieurs Etats s’affrontaient encore avec leurs voisins, notamment la Hongrie et la Roumanie, la Finlande et la Russie et la Grèce et la Turquie. Zaharoff s’impliqua financièrement dans ce dernier conflit et grâce à ses influences auprès des politiciens britanniques, il put s’assurer que la Grèce participe au partage du gâteau lors du démantèlement de l’Empire ottoman. A cette fin, il fit don d’un demi-milliard de francs or à l’État grec en 1920 afin de réaliser la « Grande Idée ».

Il réussit à convaincre Venizélos d’attaquer les Turcs à partir de la ville d’Izmir que les Grecs occupaient avec l’accord des Britanniques. Toutefois, après la victoire des troupes républicaines de Mustafa Kemal et la débâcle grecque, l’aventure de la « Grande Idée » s’arrêta nette et définitivement. Venizelos démissionna, mais Zaharoff resta dans l’entourage du roi, tout en essayant de le persuader d'attaquer les Turcs à nouveau.

La presse occidentale, particulièrement anglaise et française, fut très critique à l’encontre de Zaharoff et du rôle qu’il avait joué dans ce conflit et à la « Grande Catastrophe » qui s’en suivit (échanges des populations).

Ami et amant du monde influent

Zaharoff était ami de Sarah Bernhardt et de son mari grec Jacques Damala. Un jour, Sarah Bernhardt découvrit devant sa porte un bébé installé dans un panier. Une note précisait qu’il s’agissait de la fille de Damala qu’il avait eu avec l’une de ses nombreuses maîtresses. Sarah Bernhardt était furieuse, mais s’occupa tout de même de baptiser l’enfant et demanda l’aide de Zaharoff. Celui-ci trouva une famille d’accueil à Edirne (Andrinople) en Thrace orientale où Teresa grandit (1889-1967).

C’est à bord de l’Orient-Express en 1886, que Zaharoff rencontra la duchesse de Villafranca de Los Caballeros, María del Pilar Antonia Angela Patrocinio Simona de Muguiro y Beruete, épouse de Francisco María Isabel Gabriel Pedro de Alcantára Sebastián Alfonso de Borbón-Braganza y Borbón, duc de Marchena et cousin du roi d’Espagne Alphonse XII.

Les trois filles de Zaharoff sont reconnues Bourbon

Pendant trente-cinq ans ils furent amants. L’union de Maria del Pilar et Francisco fut un mariage de raison, la fortune considérable du père de la mariée compensa le désintéressement du duc pour la gente féminine. Zaharoff et Maria del Pilar eurent trois filles qui portèrent toutefois le nom de Bourbon. Très catholique, Maria del Pilar ne désirait pas divorcer et elle vécut avec sa famille d’abord à Madrid, puis à Paris et enfin au château de Balincourt (France), que Zaharoff avait acheté en 1915 pour un million de francs or.

Maria del Pilar et Basil Zaharoff

Mariage de Zaharoff et de la duchesse

Francisco mourut en 1923 à l’âge de 62 ans. En septembre 1924, Zaharoff alors âgé de 75 ans épousa Maria del Pilar. Elle décéda d’une infection seulement dix-huit mois après le mariage. Zaharoff commença alors à liquider ses entreprises et se consacra à l’écriture de ses mémoires. Quand celles-ci furent achevées, elles furent volées par un domestique qui espérait faire fortune en révélant des informations qui pouvaient déranger plusieurs États. La police retrouva le manuscrit qui fut rendu à son propriétaire, mais celui-ci le brûla dans une cheminée de son château.

Solitude dorée à Monaco

Le reste de la vie de Zaharoff se déroula dans la douleur et la solitude entre le château de Balincourt et la principauté de Monaco, cloué dans un fauteuil roulant. Il est mort dix ans après Maria del Pilar, le 27 novembre 1936 à l’hôtel de Paris à Monte-Carlo, dont il était le principal actionnaire, à l’âge de 87 ans. Deux de ses filles (la troisième étant décédée prématurément) furent les héritières de cette colossale fortune amassée en semant la mort en Europe et ailleurs.

Form-idea.com Istanbul, Rinaldo Tomaselli, Extrait de 25 vies extraordinaires. Avec nos remerciements à Marina Rota. 12/09/2020

Château de Balincourt

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