LA CRIMÉE

Les craintes émises par le magazine britannique The Economist sur le sort de la Crimée se sont révélées exactes et 15 jours plus tard, il publie un article acerbe à l’égard de la Russie sous le titre « Asymmetric Wars » où il qualifie le référendum en Crimée de farce politique. Cependant, il conseille à l’Ukraine d’accepter cette annexion dans les faits mais pas dans le droit. Si l’Ukraine veut devenir une démocratie de type occidental, elle doit concentrer ses efforts sur les réformes et non sur le nationalisme et le rattachement de la Crimée. Quant à l’Occident, il doit répondre en organisant une sorte de plan Marshall pour aider l’Ukraine à se moderniser. Selon le magazine, la meilleure façon de récupérer la Crimée est de montrer aux habitants de la péninsule que l’Ukraine s’enrichit et prospère démocratiquement. Pour le moment, l’Ukraine se doit de protéger les Tatars de Crimée en facilitant leur accueil sur son territoire.

Pour le journal français en ligne Causeur, journal très à droite, les frontières ne sont pas intangibles puisqu’il y a eu un précédent avec le Kosovo. Cet argument a été d’ailleurs repris par François Fillion lors de sa campagne présidentielle.

Quatorze mois plus tard, The Economist juge l’annexion désastreuse pour la péninsule. Les sanctions occidentales et le blocus ukrainien empêchent le développement de l’industrie touristique, secteur vital pour la Crimée. On note l’absence d’espace politique et médiatique pour les populations ukrainienne et tatare et une répression contre les voix dissonantes. On reconnaît que la population locale reste attachée à la Russie. Le tiers de la population sont des retraités dont la plupart sont nostalgiques de l’Union Soviétique. 85% du budget de la Crimée est financé par le gouvernement fédéral russe.

Le journal français Le Figaro, dans un article du 23 novembre 2015, parle des autorités pro-russes en Crimée et non des autorités russes. Il mentionne l’attentat contre des pylônes électriques, plongeant la péninsule dans le noir puisque la Crimée dépend à 70% de l’Ukraine en approvisionnement en électricité. Ce sabotage serait le travail de Pryva Sektor et les militants tatars dont le président réclame une enquête contre les enlèvements et les meurtres qui ont lieu en Crimée.

ODESSA

Dans les affrontements à Odessa qui ont fait plus de 40 morts (dont la plupart furent brûlés), les manifestants pro-russes n’étaient pas innocents selon The Economist, beaucoup étaient payés par le candidat pro-russe à la mairie d’Odessa, Hennadiy Trukhanov. Odessa est la ville de tout trafic donc il n’est pas difficile d’engager des provocateurs pour une journée. Cependant, la revue britannique dans son article du 8 mai 2014 affirme que l’autre parti, celui du candidat opposant Trukhanov, Aleksandr Dubovoy, a lui aussi payé des fauteurs de trouble. Dubovoy et son leader, Yulia Timoshenko auraient eu intérêt à saboter les élections présidentielles que celle-ci ne pouvait pas gagner. De plus, on critique le manque de transparence du gouvernement ukrainien qui a fait preuve de mauvaise volonté pour faire toute la lumière sur la tragédie d’Odessa. Idem pour ce qui est du massacre sur la place Maidan où 82 militants ont été abattus.

Un an plus tard, The Economist revient sur cette affaire d’Odessa et déplore qu’il y ait eu peu de progrès dans l’enquête sur l’incendie qui a servi de prétexte aux rebelles de l’Est pour justifier leur violence. Pour le magazine, les autorités ukrainiennes entravent le travail de la justice car sur les 22 personnes inculpées, seul figure un seul militant pro-ukrainien. Quant à la police odessite, on dit que la corruption prend le dessus sur tout respect du droit.

Toutefois, grâce à la politique d’arrestation, de dénonciation et d’intimidation, les autorités ont évité l’émergence d’une République populaire de Bessarabie. On parle d’une alliance entre les groupes d’auto-défense (nés de la Révolution de Maidan) et le monde nébuleux de la mafia odessiste. A cela, The Economist mentionne un autre facteur stabilisateur qui est celui de l’amour d’Odessa chez les deux camps et la méfiance envers toute autorité. A cela, les russophiles d’Odessa refusent que leur ville connaisse le même sort que celui des oblasts de Donetsk et de Lougansk.

En conclusion, le magazine dit que la paix à Odessa reste fragile et qu’il suffit d’une étincelle pour que la situation explose. A noter que la BBC dénonce l’interprétation russe des événements d’Odessa, qui ne fait aucune mention des agissements des voyous pro-russes contre les activistes pro-ukrainiens avant que l’incendie n’ait lieu. 

Le Huffington Post donne une image plus positive d’Odessa et de l’Ukraine en général. On parle des changements qui ont lieu dans la ville avec la réforme de la police, de la douane et des actions prises par le gouverneur dynamique de l’Oblast d’Odessa, Mikheil Saakashvili. Selon Mediapart, réformer Odessa reste néanmoins une tâche titanesque.

L’ÉLECTION DE PETRO POROSHENKO

The Economist écrit le 26 mai 2015 que bien que la Révolution ait apporté un nouveau sens de fierté, elle n’a pas amené de nouveaux leaders. Poroshenko a été élu parce que les Ukrainiens voient en lui un homme pragmatique et surtout un homme d’affaire qui a réussi. Par ailleurs, il a su canaliser la volonté de changement grâce à sa chaîne de télévision. Il promet de lutter contre la corruption et de faire de l’Ukraine un pays moderne et européen. Le 31 mai, on affirme que l’élection de Poroshenko est due à une alliance entre les puissants groupes de l’élite et l’espoir populaire d’un renouveau.

La tâche du président sera difficile car il doit obliger les oligarques à payer les impôts tout en ayant besoin d’eux pour maintenir l’unité du pays. La chose dont nous sommes au moins certains est que Poroshenko n’utilisera pas son mandat pour s’enrichir puisqu’il est déjà très riche avec son empire Roshen.

On souligne aussi le score très faible des candidats de l’extrême-droite, à peine 2%, ce qui contredit la propagande russe à propos d’une Ukraine fasciste.

Le magazine reste assez pessimiste en ce qui concerne l’avenir de l’Ukraine. Il rappelle que les Ukrainiens manquent souvent les opportunités historiques. Par exemple, l’Ukraine n’a pas profité de son indépendance acquise par accident et elle a gâché sa Révolution Orange. Elle ne peut plus rester dans l’immobilisme.

Le magazine pense qu’il sera difficile d’arriver à un accord de paix avec les rebelles dans le Donbass, rebelles qu’on appelle désormais terroristes à Kiev. Par ailleurs, il y a une certaine ironie que Vladimir Poutine reconnaisse le nouveau Président mais pas la légalité de cette élection. Le magazine écrit noir sur blanc que les rebelles dans le Donbass sont les clients du Kremlin.

Dans un article du 28  mars 2015, on parle du limogeage de Ihor Kolomoisky du poste de gouverneur de Dnipropetrovsk et de la difficulté de reformer sans l’ingérence des oligarques. Contrairement à la Russie, les oligarques ukrainiens, qui ont fait fortune grâce à des privatisations douteuses dans les années 90, sont impliqués dans la politique du pays. À cause du mode de scrutin à listes fermées, les oligarques peuvent facilement placer leurs hommes ou femmes au parlement et conserver ainsi leur influence. Malheureusement, l’Ukraine n’a pas les moyens en temps de guerre de se mettre à dos les oligarques qui ont joué un rôle primordial pour sauvegarder l’unité du pays.

The Economist ne croit pas que la corruption ait diminuée en Ukraine. Si elle semble moindre, c’est parce que le système de corruption à grande échelle de l’ancien Président Yanukovych a été démantelé. La corruption d’antan est redevenue la norme.

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