VOL MH17
Pour la revue britannique, la destruction du Boeing 777 est le résultat de l’incompétence d’hommes qui ont reçu les missiles des Russes sans pour autant avoir une formation ou un ordre formel. Il est fort probable que le Kremlin essaiera de mettre cet accident sur le compte des Ukrainiens. Il est important qu’on sanctionne Poutine pour sa politique belliqueuse et expansionniste car force de constater que le Kremlin ne s’arrêtera pas au Donbass. En Géorgie, il ne s’est pas contenté de l’Abkhazie. Poutine représente une menace réelle pour les pays baltes et le Kazakhstan sans que sa politique soit remise en question en Russie grâce à la machine de propagande médiatique du Kremlin.
L’ensemble des médias impute la faute à la Russie et est favorables à des sanctions contre le régime de Poutine. La seule dissonance vient de Causeur qui prend une tournure vraiment pro-russe et anti-ukrainienne. Ce journal donne la parole à Slobodan Despot, écrivain suisse d’origine serbe, pro-russe, anti-américain, homophobe qui associe l’Occident à la décadence et à l’argent de la finance. Dans un article enflammé intitulé « Misère de l’occidentalisme », cet auteur affirme que l’Occident est responsable de l’islamisation et est hostile à l’identité russe et slave, identité attachée au respect de la famille, de la chrétienté et de l’héroïsme. L’Occident qualifie les Russes de brutes alors qu’il est responsable de Guatanamo et des horreurs au Moyen-Orient. Selon Despot, l’Occident enfante les djihadistes et les nazis (car il soutient les « nazis enragés de Kiev »), alors que la Russie est l’avant-poste de la première décolonisation véritable.
LES ÉLECTIONS LÉGISLATIVES
Pour The Economist, la nouvelle majorité au parlement reflète le pouvoir des régions occidentales de l’Ukraine. D’ailleurs, on remarque le taux de participation à l’ouest est plus fort que dans le sud ou à l’est (70% à Lviv contre 40% à Odessa). On note que le moribond Parti des Régions rebaptisé le Bloc Opposition a fait 9% grâce aux régions de l’Est, ce qui permettra à la Rada d’accueillir à nouveau 60 à 70 députés de l’ancien système. Ils seront confrontés à de nouveaux députés venant directement du mouvement Maidan et de commandants de bataillon anti-rebelle. The Economist met en garde de ne pas isoler les députés de l’opposition car cela entraînerait l’isolement des régions russophones où les agents russes sont toujours actifs (Kharkiv, Odessa, Zaporizha, Mariupol et Kiev).
Certes, la nouvelle coalition en place est pro-européenne mais les partis au pouvoir pourraient se diviser à cause de différents intérêts affairistes ou ambitions personnelles, comme cela eut lieu après la Révolution Orange. The Economist rappelle que l’enjeu est la survie de l’Ukraine, pays au bord de la faillite. Pour obtenir les prêts occidentaux, il faudra réformer le pays en profondeur et les réformes économiques apporteront avec elles plus de misère dans un pays ravagé par la guerre. Les Ukrainiens devront faire face aux coupures de gaz.
Dans son article du 1 novembre 2014, le magazine prévient que si l’Ukraine ne se réforme pas, alors elle implosera ou Poutine la possèdera.
LA GUERRE DANS LE DONBASS
On parle un peu des élections dans le Donbass occupé par les forces pro-russes, des élections qui ne sont pas reconnues par la communauté internationale à l’exception notoire de la Russie. Il n’y a pas d’observateurs internationaux. Seuls quelques représentants de l’extrême-droite européenne ont fait le déplacement (le Front National. Forza, le Jobbik hongrois). The Economist souligne le lien entre les partis d’extrême-droite ou eurosceptiques et Poutine et affirme que l’objectif de ce dernier est de miner le projet européen. La revue britannique mentionne en plus le jeu ambigu de la Hongrie anti-libérale d’Orban qui aimerait voir la petite région de Transcarpathia devenir autonome avec ses 200.000 Hongrois.
Le 11 février 2015, dans un article intitulé « What Russia is up to in Ukraine », la revue britannique prend une tournure très critique à l’égard de la Russie. Selon The Economist, l’Ukraine est en train de perdre la guerre alors que l’Occident, très hésitant, essaie d’obtenir un accord de paix. Il s’agit d’une guerre injuste car l’Ukraine n’a jamais menacé sa population russe, n’a jamais été contrôlée ou dirigée par des fascistes et d’ailleurs, ce pays a une extrême-droite beaucoup moins populaire qu’en Europe de l’Ouest. Par ailleurs, l’OTAN n’a jamais menacé la Russie. Bien au contraire, les membres de cette organisation ont réduit leurs dépenses militaires. The Guardian et The Spectator vont dans le même sens. The Guardian reprend les propos de Gorbachev qu’il n’y a jamais eu de discussion ou d’accord avec Moscou sur l’expansion de l’OTAN.
Ceci dit, The Economist prévient qu’il ne faut pas exagérer la puissance de la Russie. Pour les Britanniques, la Russie est un pays pris dans la tourmente nationaliste et belliqueuse afin de détourner l’attention sur les maux qui rongent ce pays : économie en déclin, prix des carburants en chute libre, corruption endémique, infrastructure en piteux état et peuple désillusionné. Selon la revue, l’Europe doit agir avec patience et fermeté car la stratégie de Poutine est calamiteuse « bad, mad & sad » (mauvaise, folle et regrettable).
Le 10 août 2015, le journal Libération, dans une tribune intitulée « L’Ukraine, un pays bradé sur le marché diplomatique ? » s’inquiète de l’ingérence américaine dans le processus politique du pays. En forçant Kiev à accepter une autonomie des nouvelles entités du Donbass, sortes de gangrène de l’ancien système, les diplomates américains trahissent les Révolutionnaires de la place Maidan qui verraient leur projet d’une société libre de toute corruption et de toute ingérence russe échoué. Les Occidentaux se rendent compte qu’une solution en Syrie ne pourra se faire sans la Russie et pour que cela se fasse, il faut arriver un compromis sur l’Ukraine.
Le 25 mai 2017, The Economist juge les accords de Minsk II morts. Plus personne n’y croit même si tout le monde y tient officiellement. Par ailleurs, le Président Poroshenko, très impopulaire à l’Est du pays, que ce soit des deux côtés du front, ne souhaite pas que la population du Donbass vote aux prochaines élections législatives. Ce président a construit son image grâce à la lutte contre la Russie, sous-entendant ainsi que la paix dans le Donbass ne l’intéresserait pas. Quant à Moscou, ils ne désirent pas financer le Donbass ou arriver à un accord qui les empêcherait de s’ingérer dans les affaires ukrainiennes.
Pour The Economist, la République de Donetsk n’est pas un état populaire de style soviétique. La République de Donetsk est une illusion, une entité gérée par des gangsters qui sont obligés de canarder les positions ukrainiennes de temps à autres pour maintenir le moral et la discipline de leurs combattants mercenaires. Reprenant les arguments d’Igor Girkin (auteur de la prise de Sloviansk au début du conflit), le statu quo ne peut pas durer. Soit la Russie reconnaîtra sa défaite, soit elle devra relancer la conquête d’autres territoires ukrainiens afin de former au final un grand état composé de la Férération russe, du Bélarus et de la Novorossiya ukrainienne.
Par ailleurs, le magazine révèle que tout le monde profite du trafic sur le front, que ce soit les douaniers ukrainiens ou les paramilitaires dans le Donbass. Le blocus imposé par des militants ukrainiens n’arrange pas les affaires de Kiev, ni de Donetsk.
Le Figaro publie un article acerbe sur les républiques autoproclamés avec un titre qui en dit long : Ukraine, voyage en Absurdie (18 décembre 2015). Donetsk est dépeinte comme une ville fantôme qui survit dans l’autarcie, sa banlieue est détruite et les paysages sont surréalistes, ville où la propagande prend de l’ampleur en associant les nationalistes ukrainiens aux nazis, en faisant des rappels constants aux événements de la seconde guerre mondiale et en rappelant le rôle antisémite de Stephan Bandera. Désormais, c’est Moscou qui finance cette région, d’ailleurs le rouble est devenu la devise. Moscou devra payer sa reconstruction car il semble qu’une réconciliation entre Kiev et les russophones du Donbass soit inconcevable.
On parle aussi de la situation économique désastreuse de l’Ukraine avec ses fleurons industriels détruits, avec ses sept millions de chômeurs et une paupérisation généralisée alors que les oligarques continuent à prospérer, notamment Rinat Akhmatov, oligarque au jeu trouble dans la guerre au Donbass. On parle aussi du succès de la Fashion Week à Kiev montrant ainsi deux sociétés parallèles.
Le journal en ligne Mediapart s’intéresse aussi aux oligarques qui s’enrichissent et au trafic de tout genre sur la ligne de front. Dans un article publié le 7 mars 2017, L’Ukraine se divise sur le sort réserver aux régions séparatistes, on nous explique que Kiev considère la guerre dans le Donbass comme une opération anti-terroriste, ce qui justifie à ses yeux la continuité du commerce entre l’Ukraine et les deux Républiques illégales. Kiev ne parle pas d’occupation russe. Sébastien Gobert, le journaliste de Mediapart, explique que l’Ukraine et les territoires rebelles sont interdépendants économiquement. Les rebelles dépendent de la vente leur charbon aux usines ukrainiennes et Kiev a besoin des recettes fiscales de ces usines qui servent à financer l’effort de guerre.
Le nouveau blocus des militants ukrainiens condamné par le gouvernement à Kiev entraîne la nationalisation des entreprises à Donetsk et Lougansk, ce qui représente une catastrophe pour les intérêts politiques et économiques de Rinat Akhmatov.
Pour le journal britannique, The Times, la guerre dans le Donbass servirait à la Russie de tester de nouvelles méthodes de guerre contre l’Occident. Leur source vient de l’armée britannique.