Auteur : Rinaldo Tomaselli

L’Azerbaïdjan historique correspond à une région englobant non seulement la République d’Azerbaïdjan, mais aussi les provinces du nord-ouest de l’Iran et une partie de la République d’Arménie. Les Azéris sont majoritaires dans ces régions, sauf en Arménie, et cohabitent avec de nombreuses autres ethnies (une trentaine en République d’Azerbaïdjan). D’autres Azéris habitent en dehors de l’Azerbaïdjan historique, notamment en Géorgie, en Ciscaucasie, au Turkménistan, au Daguestan, en Turquie, en Russie. Au total, plus de 25 millions de personnes.

L’Azerbaïdjan était une composante du royaume d’Ourartou avant de passer au VIIIe avant J.C. à l’Empire mède, puis à l’Empire perse. Au VIIe siècle, les Arabes envahirent le pays qui passa rapidement de la religion zoroastrienne à l’islam, mais la population conserva néanmoins sa langue persane.Au IXe siècle, le pays fut morcelé en plusieurs Etats indépendants, dont celui de Shirvan qui exista jusqu’au XVIe siècle. Les Seldjoukides firent leur apparition dans la région au XIe et la population adopta la langue turque progressivement.

En 1501, tous les territoires azéris furent unifiés sous la dynastie des Safavides. La langue de l’Etat devint l’azéri et sa capitale, Tabriz. Au XVIIe siècle, la chute de l’Empire safavide provoqua un morcellement du territoire en une multitude de khanats et de sultanats. Au XVIIIe siècle, les musulmans d’Azerbaïdjan et les Albanais chrétiens se retrouvèrent dans le khanat (azéri) du Karabakh qui regroupait les territoires compris entre les fleuves Kur et Araxe.

Les territoires de l’Azerbaïdjan historique furent âprement disputés entre les Empires perse et ottoman, mais dès le début du XIXe siècle, les Russes commencèrent à s’y intéresser également. Entre 1813 et 1828, la Perse perdit tous ses territoires au nord de l’Araxe, au profit de la Russie. Les Russes entreprirent tout de suite la russification de cette région, puis passa un accord (Traité d’Edirne, 1829), avec l’Empire ottoman et la Perse pour un échange de populations. Ainsi, environ 125 000 Arméniens vinrent peupler les khanats de Nakhitchevan et d’Erevan, en provenance d’Iran et des provinces orientales ottomanes. Après avoir envahi les territoires ottomans de l’Est, les Russes déportèrent 100 000 Arméniens en Azerbaïdjan. Puis la Russie occupa en 1878 la région de Kars et d’Ardahan. Le gouvernement tsariste expulsa les musulmans et y installa 130 000 Arméniens et des colons russes et allemands.

En 1918 fut proclamée la République azerbaïdjanaise, ce qui provoqua le départ de nombreux Arméniens. Puis en 1920, l’Azerbaïdjan rejoignit l’Union Soviétique, dont le pouvoir central fit passer les territoires du Zangezour, de Goycha et d’une partie du Nakhitchevan à la République d’Arménie voisine.Le Haut-Karabagh resté enclavé en Azerbaïdjan, devenait en 1923 une région autonome.

En 1988, les Arméniens du Haut-Karabagh demandèrent leur rattachement à la République d’Arménie, ce qui provoqua des heurts et des pogroms des deux côtés de la frontière.L’Azerbaïdjan proclama son indépendance en 1991 et en 1993, les troupes arméniennes envahissaient l’Ouest et occupaient durablement le Haut-Karabagh et les régions avoisinantes, soit 25 à 30% du territoire de la République d’Azerbaïdjan. Les Arméniens opérèrent une « épuration ethnique » dans les territoires occupés, obligeant tous les non Arméniens à quitter la région. Depuis le début du conflit en Syrie, l’Arménie accueille à bras ouverts les réfugiés arméniens de ce pays. Ils sont installés massivement dans le Haut-Karabagh pour y augmenter la population et tenir une légitimité au niveau international.

Les Azéris de Turquie vivent essentiellement dans les provinces d’Iğdır, de Kars, d’Ağrı et d’Ardahan et dans les centres urbains importants du pays. A part la région d’Ardahan et d’Iğdır, la zone historique de peuplement azéri est hors des frontières actuelles de la Turquie.La majeure partie des 800 000 Azéris de Turquie a trouvé refuge dans l’Empire ottoman ou dans la Turquie moderne, fuyant les persécutions dans les territoires russes / soviétiques, iraniens, géorgiens ou arméniens. Les trois derniers mouvements importants des Azéris vers la Turquie eurent lieu entre 1918-1925 (expulsion des musulmans d’Arménie), en 1946 (réfugiés politiques d’Iran), en 1979 (révolution islamique en Iran), et en 1991 (réfugiés azéris d’Arménie). A noter aussi que depuis le début des années 1990, beaucoup d’Azéris d’Azerbaïdjan se sont exilés en Turquie pour des raisons économiques.D’une manière générale, l’intégration des Azéris se fait aisément et rapidement, l’intercompréhension des deux langues favorisant nettement l’incorporation à la Nation turque, presque à l’assimilation. Toutefois, les Azéris de Turquie possèdent des associations et des publications aidant à maintenir leur culture particulière.La religion majoritaire des Azéris est l’islam chiite ; cependant on dénombre également un nombre important d’alévis (kızılbaş).

Jeune Azérie de la Belle Époque

Par Pierre Scordia

La guerre entre l’Azerbaïdjan et l’Arménie reprend en 2020. Les Azerbaïdjanais occupent une partie du Haut-Karabakh sans que les Russes interviennent militairement ou diplomatiquement aux côtés des Arméniens. Poutine n’aime guère le gouvernement prodémocratie du Premier Ministre Nikol Pachinian à Erevan qui mène une politique contre la corruption. Par ailleurs, l’argent du gaz azerbaïdjanais et l’aide militaire d’Ankara au régime dictatorial du Président azéri Ilham Aliyev donnent une nette supériorité à l’armée de Bakou. La neutralité bienveillante du Kremlin à l’endroit de Bakou a permis aux Azerbaïdjanais de reprendre une partie du Haut-Karabagh et de faire du reste une enclave arménienne reliée à l’Arménie par un corridor sous contrôle russe.En septembre 2023, les forces azerbaïdjanaises bombardent la petite enclave arménienne, ce qui déclenche la fuite des habitants. On pourrait sans doute qualifier cette dernière opération de nettoyage ethnique. La capitale de la petite république de l’Artsakh tombe. Stepanakert est désertée par sa population arménienne et reste désormais interdite aux journalistes. Elle est renommée Khankendi depuis sa chute. Ainsi l’Azerbaïdjan retrouve-t-il ses frontières reconnues par la communauté internationale. Cependant, certains ont imputé de nombreux crimes et exactions qui auraient été commis par les soldats azerbaïdjanais contre la population chrétienne d’origine arménienne.Face à la non intervention de Moscou, il n’est pas étonnant que l’Arménie ait décidé de sortir de l’Organisation du Traité de sécurité dirigée par la Russie (l’OTSE regroupe la Russie, la Biélorussie, le Kazakhstan, le Kirghizstan, le Tadjikistan) et ait adhéré au statut de Rome de la Cour Pénale internationale en 2024. Par ailleurs, elle a renforcé considérablement sa relation de défense avec la France et l’Inde, ce qui a provoqué la colère de Bakou.Le 22 juillet 2024, Bruxelles a décidé de soutenir militairement l’Arménie, par l’intermédiaire de la facilité européenne pour la paix. Le Kremlin a pris acte de ce nouveau rapprochement en prévenant qu’il ne fallait pas qu’Erevan suive la même politique que Kiev.

 

Le Parisien

Leave a Reply

Your email address will not be published. Required fields are marked *