Voracité humaine, souffrance animale

Si je plaide la cause des vaches que j’affectionne, je ne suis pas moins sensible à celles des cochons et des autres victimes de notre voracité. J’ai longtemps habité en campagne dans une maison à côté de laquelle des vaches paissaient paisiblement. Je les ai observées. Elles « avancent avec une hâte molle » comme l’écrit Antonio Lobo Antunes, mais parfois elles accélèrent car toujours vigilantes quand leurs petits veaux qui gambadent s’éloignent un peu trop. Et lorsqu’on vient les enlever, elles meuglent durant deux jours, parcourant continuellement le champ pour les retrouver, puis elles finissent par s’immobiliser et regardent avec un air étonné et naïf. Celles qui donnent le lait nourricier finissent dans des abattoirs, parfois décapitées, égorgées, pendues par les pieds alors qu’elles agonissent encore. Et les cochons ! Enfermés, entassés, maltraités, ils n’entrevoient un peu de ciel bleu ou un rayon de soleil que le temps d’être chargés dans des camions en partance pour l’abattoir où certains seront découpés encore vivants : il faut faire vite, ça rapporte plus et ça coûtera moins cher. Alors, bon appétit !

Mais pour qu’on ne m’accuse pas d’être coupable de sensiblerie ou de niaiserie, je rappellerai quelques réflexions et actions de gens célèbres. Victor Hugo a défendu la loi Grammont en faveur des animaux. À l’époque, les chevaux subissaient de mauvais traitements infligés par les cochers brutaux et ivrognes. Émile Zola, dans une lettre, écrit : « pourquoi la souffrance d’une bête me bouleverse-t-elle ainsi ? Pourquoi ne puis-je supporter l’idée qu’une bête souffre au point de me relever la nuit ? » Isaac Bashevis Singer, prix Nobel de littérature, devenu végétarien, pose la question : « qu’est-ce qui confère à l’homme le droit de tuer un animal pour se remplir l’estomac de viande ? » Lorsque Rosa Luxembourg est en prison, elle écrit à Sonia Liebknecht. Dans une lettre, elle lui raconte l’arrivée de buffles qui traînent de lourdes charrettes sous les coups, l’un saigne et Rosa Luxembourg écrit : « j’étais devant lui, l’animal regardait, les larmes coulaient de mes yeux, c’étaient ses larmes. »

Enfin, je terminerai par une pointe d’ironie. Dans L’Homme et la couleuvre, un homme saisit un serpent pour le tuer et La Fontaine écrit :

« A ces mots l’animal pervers
( C’est le serpent que je veux dire,
Et non l’homme ; on pourrait aisément s’y tromper) »
Une vache et son veau. Image via FREEPIK

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