Le tennis est-il devenu un sport ringard ?
Auteur: Charles Chardonnet
Après la période de confinement qu’a traversé le monde du sport en raison de la pandémie de Covid-19, l’application des mesures sanitaires exceptionnelles a modifié nos pratiques sportives et a même influencé les règles de certains sports depuis la reprise des compétions professionnelles. Même si au moment où est rédigé cet article les tournois officiels de tennis n’ont pas encore repris (le circuit féminin WTA reprend le 3 août à Palerme et le circuit masculin ATP le 22 août à Cincinnati), certains tournois-exhibitions ont pris la décision d’un « retour à la normal » et d’organiser des matchs non officiels entre stars de la balle jaune tout en s’affranchissant des règles de jeu traditionnelles.
Le tennis boudé par les téléspectateurs sportifs
Et oui, les traditions au tennis, il y en a beaucoup… C’est un sport qui dans son ensemble n’a pas tellement modifié ses règles depuis un siècle. Bien que la manière de jouer et le format des matchs aient heureusement évolués avec le temps, le tennis reste une activité boudée par une très grande partie des téléspectateurs sportifs qui réprouvent souvent la complexité des règles et la manière dont sont comptés les points. Il serait trop fastidieux de vous les expliquer dans ce papier ; mon meilleur conseil serait de regarder au moins un match en entier pour les comprendre.
Hélas, rares sont les personnes maintenant à avoir de la patience devant un match de tennis. Dans notre société de consommation télévisuelle sportive, tout sport doit être constamment en mouvement, facile à comprendre et rapide à regarder. Le téléspectateur sportif novice ne cherche pas à comprendre les nuances d’un jeu, il ne veut que du spectacle.
Sport impliquant le mental et la patience
Le tennis semble alors être à la marge de cette nouvelle demande télévisuelle parce qu’il implique avant tout le mental et la patience. Je m’explique : dans un match d’une heure, le temps dit « joué » - consacré aux échanges de balles - est d’environ 20 minutes, le reste, soit les deux tiers du match, est attribué à la « récupération », au mental, c’est-à-dire un temps précieux pour que les joueurs reprennent leur souffle entre les points et qu’ils élaborent leurs stratégies. Ce temps de pause est raccourci depuis quelques années grâce à l’instauration en Grand chelem de la règle des 20 secondes entre les points (25 pour les autres tournois inférieurs), de sorte que les joueurs s’engagent à servir plus rapidement.
Là où le changement est le plus recherché concerne la simplification et le raccourcissement des règles de comptabilité des points. La discipline qui en pâtit est malheureusement le double, une pratique perçue aujourd’hui comme une tradition sacrifiée par l’instauration de ces nouvelles mesures.
En cas d’égalité entre les adversaires, c’est-à-dire une manche partout, la troisième et dernière manche qui est déterminante ne se joue plus dans un format classique comme pour les deux précédentes. Elle se joue désormais sur un tie-break de 10 points avec tout de même 2 points d’écart pour remporter le match. En gros, c’est comme joué un mini match à 10 points (pour ceux qui se bloquent au mot « tie-break »). Cette règle s’applique même pour la pratique du simple dans les championnats amateur et ne fait guère l’unanimité.
Abrogation de la règle des deux jeux d’écart
Pour les tournois professionnels individuels la dernière manche n’est pas remplacée par un tie-break à 10 points. Cependant quasiment toutes les compétitions ont abrogé progressivement depuis quelques années la règle des deux jeux d’écart dans la dernière manche afin d’éviter de se retrouver à nouveau avec des matchs extrêmement longs, quoiqu’extrêmement rares, comme celui qui opposa au 1er Tour du Grand chelem de Wimbledon en 2010 le Français Nicolas Mahut à l’américain John Isner ; un match qui s’est joué sur plusieurs jours pendant onze longues heures et cinq minutes. L’américain s’est finalement imposé 3 manches à 2 avec un score final de 6-3, 3-6, 6-7, 7-6, 70-68. Les 70-68 dans le dernier set ne traduisent pas le nombre de points qu’ont gagné les joueurs mais bien le nombre de jeux. Pour gagner un jeu il faut gagner minimum 4 points au cours du jeu. Au cas d’égalité, deux points d’écart doivent être remportés.
Ainsi serait-il faux de penser que le tennis n’essaie pas de se modifier pour attirer plus de public en changeant ses règles et le format de ses matchs. Malheureusement, il semble que ces réformes ne suffisent pas aux yeux des téléspectateurs qui perçoivent toujours le tennis comme un sport démodé et même atone à cause des interruptions constantes entre les échanges pourtant importants.
Evolution technique
Le tennis un sport atone ? Non pas du tout ! Bien contraire ! On observe que la vitesse des échanges s’est accélérée depuis les années 60, pas uniquement grâce à l’évolution technique, au matériel des raquettes et aux tennis, les modifications du rendement des surfaces ont contribuées grandement à la rapidité du jeu. Malheureusement, que l’on joue aujourd’hui sur de la terre battue, sur du gazon ou sur une surface dure, les modifications ont permis surtout à homogénéiser les différentes surfaces et à amoindrir leurs différences au fil du temps pour finalement s’adapter aux profils de joueurs plutôt qu’à l’inverse, ce qui n’empêche pourtant pas d’avoir des spécialistes de surface comme Rafael Nadal sur terre-battue ou Roger Federer sur gazon.
Comment rendre le tennis plus attrayant ?
Depuis le déconfinement on a pu voir quelques compétitions professionnelles non officielles organiser des matchs aux règles très différentes afin d’attirer un public novice et plus jeune. C’est le cas avec l’Ultimate Tennis Showdown, une compétition organisée par l’académie de tennis du célèbre entraîneur Patrick Moratoglou.
Dans le cadre de l’U.T.S., la durée des matchs est raccourcie en des manches chronométrées qui se gagnent par de simple point compté un à un. Les joueurs peuvent réagir pendant le match aux questions des commentateurs pendant les changements de côtés par le biais d’un casque et d’un micro.
Des bonus particuliers sont aussi attribués à certains moment clés du match comme dans un jeu vidéo digne de « Mario party » avec par exemple des points gagnants qui comptent triples, le droit d’empêcher son adversaire de servir une deuxième balle s’il rate son premier service ou encore la possibilité de faire appel aux conseils de son coach lorsqu’on est en difficulté. Tout est simplifié, rapide et lisible pour que le spectateur soit plus éveillé, intéressé et pris dans le jeu. A cela s’ajoute l’angle de caméra utilisé pendant la diffusion des matchs, devenu plus bas que celui utilisé habituellement à la télévision. Il permet ainsi une vue moins compacte des joueurs et de leurs gestes techniques.
Cependant, ce genre de match au format apriori loufoque comparé aux règles traditionnelles du tennis semble au final plus ludique que compétitif. Bien que le tournois organisé par la Moratoglou académie ait plu aux participants et qu’il ait permis au 8ème mondial, l’italien Matteo Berrettini, de renouer au goût de la victoire en reportant la première édition de l’U.T.S., les organisateurs et les acteurs de ce tournois ont bien conscience que cette parenthèse tennistique n’aura pas beaucoup d’influence sur la reprise des compétitions officielles.
Nouveauté pour bientôt ?
Même si les règles de l’UTS sont inapplicables en tournois officiel, elles pourraient permettre néanmoins de relancer certains débats comme celui sur la possibilité d’avoir recours aux conseils de son entraîneur pendant les matchs. Le côté plus immersif dans la retransmission télévisuelle et le contact avec les joueurs pourraient bien donner des idées aux diffuseurs pour accrocher les téléspectateurs, même s’il reste incertain que les joueurs acceptent aussi facilement d’être interrogés pendant leur match par les médias ou même par leur propre entraîneur, surtout à une finale où l’enjeu est un trophée de grande valeur. Rappelons que l’essence du tennis consiste à la patience et à la solitude face à l’adversité.
La nouveauté attendra encore.
form-idea.com Brest, le 09 août 2020.
Autres articles sur le sport :
- Pourquoi la bigorexie ? | Julien Bertherat
- Football : le côté sombre d'un jeu | Didier Levreau
- La gym, bonne pour les muscles, pas pour la tête ? | Julien Bertherat
- Football & Qatar vus de la Caraïbe | Didier Levreau