CHRONIQUE D'UNE RÉVOLUTION : UKRAINE 2013 - 17

6. Petro Porochenko, l’homme providentiel ?

Auteur: Pierre Scordia

Comment le magazine britannique The Economist a-t-il analysé cette élection ?

Une élection sous haute attente

Dans son édition du 26 mai 2014, The Economist analyse l’élection de Petro Porochenko avec lucidité. Si la Révolution de l’hiver 2013-2014 a ravivé la fierté nationale, elle n’a pas pour autant fait émerger de nouveaux leaders charismatiques. Porochenko, homme d'affaires prospère, a su incarner un certain pragmatisme et une promesse de stabilité. Les Ukrainiens l'ont perçu comme un dirigeant capable de transformer le pays, notamment en raison de sa réussite personnelle et de sa maîtrise de la communication via sa chaîne de télévision.

Le 31 mai, The Economist souligne que son élection résulte d’une alliance inédite entre une élite économique désireuse de stabilité et un peuple aspirant à un renouveau. Porochenko promet de moderniser l’Ukraine, de lutter contre la corruption et de l’arrimer fermement à l’Europe.

Un président face à ses contradictions

Cependant, les défis s’annoncent colossaux. Le président devra contraindre les oligarques à contribuer fiscalement, tout en ayant besoin de leur soutien pour préserver l’unité nationale. Une chose semble toutefois rassurante : Porochenko n’a pas besoin de s’enrichir personnellement, étant déjà à la tête d’un empire industriel, notamment la société Roshen.

Un désaveu pour l’extrême droite

Un élément marquant de cette élection est le score marginal des candidats d’extrême droite, qui n’ont recueilli qu’environ 2 % des voix. Cette réalité vient contredire frontalement la propagande du Kremlin, qui dépeint régulièrement l’Ukraine comme un bastion fasciste.

Un scepticisme persistant sur l’avenir

Malgré ces signaux positifs, The Economist reste sceptique quant aux perspectives à long terme. La revue rappelle que l’Ukraine a souvent manqué ses rendez-vous avec l’Histoire : elle n’a pas su tirer profit de son indépendance obtenue en 1991, ni capitaliser sur l’élan de la Révolution Orange. Il n’est plus temps pour l’immobilisme.

Le Donbass, entre guerre et propagande

Le magazine estime peu probable un accord de paix avec les rebelles pro-russes dans le Donbass, désormais qualifiés de terroristes par les autorités de Kiev. Une situation rendue d’autant plus complexe par l’attitude ambivalente de Vladimir Poutine, qui reconnaît la légitimité de Porochenko tout en contestant celle du scrutin qui l’a porté au pouvoir. The Economist est clair : les rebelles sont les marionnettes du Kremlin.

L’emprise persistante des oligarques

Dans un article publié le 28 mars 2015, la revue revient sur le limogeage d’Ihor Kolomoïsky, gouverneur de Dnipro, révélateur des tensions entre pouvoir politique et oligarques. Contrairement à la Russie, où les oligarques sont tenus à distance, ceux d’Ukraine participent activement à la vie politique. Grâce au système électoral à listes fermées, ils peuvent faire élire leurs proches au Parlement, perpétuant ainsi leur influence.

Pourtant, en temps de guerre, l’Ukraine ne peut se permettre d’aliéner ces puissants acteurs économiques, qui ont parfois joué un rôle-clé dans la défense de l’intégrité territoriale du pays.

Une corruption toujours endémique

Enfin, The Economist conclut avec amertume que la corruption n’a guère reculé. Si celle-ci paraît moins visible, c’est en grande partie parce que le système hyper-centralisé mis en place par l’ancien président Yanoukovytch a été démantelé. En réalité, la corruption structurelle, plus diffuse, est redevenue la norme.

FΩRMIdea Paris, le 23 juillet 2017. Read the English version

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