De nombreux débats ont récemment émergé autour de la « bigorexie », un terme devenu tendance dans les médias. Il désigne la dysmorphie musculaire, un trouble caractérisé par une perception altérée du corps : certains hommes se persuadent à tort qu’ils manquent de muscles ou de force physique. Cette maladie semble toucher un nombre croissant de jeunes hommes et d’adolescents.

La bigorexie

La bigorexie présente des similitudes avec l’anorexie mentale, une maladie touchant principalement les femmes, caractérisée par un trouble psychique entraînant un désir obsessionnel de perdre du poids, jusqu’au refus de s’alimenter. Ces deux pathologies semblent étroitement liées.

L’anorexie mentale est bien connue, tout comme les dommages qu’elle provoque : des séquelles importantes, tant physiques que psychologiques. En effet, l’adoption d’un régime alimentaire extrême prive l’organisme des nutriments essentiels à son bon fonctionnement. Les causes de ce trouble seraient à la fois d’ordre psychologique et social, notamment en raison de la pression exercée sur les femmes pour qu’elles se conforment à un idéal de minceur imposé par les normes de beauté.

Mais alors, quel est le véritable enjeu de la bigorexie ?

 

Pourquoi autant de jeunes hommes construisent-ils leur identité et orientent-ils leur mode de vie autour d’une image de soi idéalisée, souvent inatteignable ?

La bigorexie suit un schéma similaire à celui de l’anorexie mentale. Elle repose sur la poursuite obsessionnelle d’un idéal corporel masculin : force, musculature développée, vitalité. Pour atteindre cet objectif, certains hommes n’hésitent pas à adopter des comportements extrêmes, comme une fréquentation excessive des salles de sport, un entraînement intensif et parfois dangereux, ou encore la consommation abusive de compléments alimentaires et de produits dopants. Ces pratiques se font bien souvent au détriment de leur santé physique et mentale.

Alors, comment en est-on arrivé là ? Et surtout, que peut-on faire ?

 

Il est révélateur que la bigorexie touche en majorité les jeunes hommes, un phénomène apparu au cours des trois dernières décennies. Ces hommes, souvent en quête de virilité, se retrouvent aujourd’hui plus vulnérables qu’on ne l’imagine. Cette fragilité devrait pourtant inciter à une prise de conscience : celle de redéfinir ses aspirations, de construire une carrière épanouissante, et d’envisager autrement les relations affectives et familiales.

On sait que le développement émotionnel masculin se poursuit bien au-delà de l’adolescence, et ne s’achève généralement qu’à 24 ou 25 ans. Il est donc essentiel d'encourager les jeunes hommes à exploiter ce potentiel de maturation plutôt que de le détourner vers des obsessions physiques.

L’environnement sociétal et médiatique actuel exerce une pression constante et étouffante. À cela s’ajoute un marché du travail extrêmement compétitif, où hommes et femmes rivalisent désormais à armes (presque) égales. Dans ce contexte, certains jeunes hommes en viennent à miser sur leur apparence physique comme un levier de distinction, à l’instar de ce que les femmes ont longtemps été contraintes de faire à une époque où le monde professionnel leur était bien moins accessible.

Pour sortir du lot, ils se sentent obligés d’incarner l’homme idéal, sous peine d’être éclipsés par un concurrent plus impressionnant, plus performant, plus séduisant. Cette course effrénée à la perfection s’inscrit dans un cadre profondément malsain.

En tant que coachs personnels, nous sommes les témoins directs de cette détresse masculine, de ce besoin pressant de devenir « Monsieur muscles » dans les plus brefs délais — quitte à sacrifier santé, équilibre et lucidité sur l’autel d’un idéal inatteignable.

Homme présentant ses muscles en plein session

L’ère du « tout de suite »  

 

En tant que coachs, nous avons la responsabilité de promouvoir une approche patiente et durable de la construction physique. Il est essentiel d’insister sur le renforcement progressif du corps et sur les bénéfices à long terme qui en découlent. La forme physique ne doit pas être une fin en soi, mais un levier d’épanouissement personnel, capable d’influencer positivement la personnalité et la perception de soi.

Les chemins qui mènent au bien-être corporel et à l’équilibre intérieur sont intimement liés. Et ce n’est qu’en développant une véritable conscience de soi que l’un peut nourrir l’autre.

En définitive, c’est en cultivant à la fois la force intérieure et la force physique que l’on devient capable de s’évaluer lucidement, de se positionner dans un monde compétitif, parfois oppressant. L’épanouissement personnel, authentique et profond, demeure bien plus attirant — et durable — que n’importe quelle démonstration musculaire ou usage de substances dopantes.

FORMIdea Londres, le 22 décembre 2018. Texte traduit de l’anglais par Pierre Scordia

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Julien Bertherat

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