Septembre 2015

ODESSA, UKRAINE

C’est réconcilié avec lui-même qu’il revient à Odessa. Il a pensé un moment partir vivre à Sofia, mais finalement, la vie matérielle lui est plus favorable en Ukraine. Avec le nouveau régime en place suite à la Révolution de la Dignité, un vent de renouveau souffle dans le pays. Les Russes peuvent leur voler la Crimée et le Donbass mais ils ne se saisiront jamais de la soif de liberté des Ukrainiens. Une certaine stabilité gagne le pays et ce malgré les hostilités des mercenaires russes dans les oblasts de Donetsk et de Lougansk. Les affaires reprenaient et avec Zelimkhan, il était assuré d’un bon revenu. D’ailleurs, il s’achète un appartement au centre-ville.

Atanas et lui se sont mis d’accord pour se revoir à Kyiv le vendredi 2 octobre, à 16h sur la place Maïdan. C’est Taras qui l’invite, du moins pour l’Airbnb et les restos. Il trouve bizarre qu’il ne lui ait pas donné signe de vie depuis quatre semaines. En général, il l’appelle au moins une fois par mois. Il hésite mais se rend quand même à Kyiv.

***

KYIV, UKRAINE

Vendredi 2 octobre 2015

Hélas, Atanas n’est pas au rendez-vous. Taras l’attend en vain sur la place, près du monument consacré à l’Indépendance. Il fait le tour de la grande esplanade plusieurs fois. Il y a de nombreuses bougies sur le Maïdan. Pour passer le temps, il observe la centaine de photos des gens tombés lors la Révolution de la Dignité en février 2014. Il contemple les beaux visages des héros dont la vie fut fauchée par l’ancien régime pro-russe, de jeunes hommes et de jeunes femmes qui rêvaient d’un meilleur avenir pour leur nation, qui désiraient un futur européen. Leur sacrifice n’a pas été inutile. Du moins, c’est ce qu’il espère.

Il attend… 17h passent, puis viennent les 18h. À 19 heures, il retourne dans le studio qu’il a loué. Le décor est simple mais convivial. Comme il a froid, il prend un bain chaud. Il consulte son iPhone, toujours rien.

***

Samedi 3 octobre 2015

Le matin, il se rend à l’aéroport de Boryspil qui se trouve à une trentaine de kilomètres du centre-ville. Sans y croire vraiment, il souhaite avoir confondu les dates. Il attend patiemment aux portes des vols en provenance de Vienne et de Sofia, mais aucun signe d’Atanas. De nombreux scénarios défilent alors dans sa tête. Il ne retient plus que deux possibilités : soit il lui est arrivé quelque chose de grave, soit il ne veut plus le voir. Il retourne au studio, le cœur lourd, les yeux humides. Sur le chemin, il s’arrête à une pharmacie pour acheter des somnifères car il sait qu’il ne pourra trouver le sommeil.

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Dimanche 4 octobre 2015

Il se réveille en sursaut. Il vient de faire un cauchemar. Curieusement, des Nazis le poursuivaient. Il voulait courir mais ne pouvait avancer car un énorme fossé lui faisait barrage. Il essayait d’hurler mais n’y arrivait pas.

Quelle stupeur ! Il se sent quelque peu drogué. Il se fait un café fort pour dissiper ce brouillard dans sa tête. Tout à coup, il ressent une douleur au ventre. Ça doit être le double expresso, se dit-il. Il croise les doigts pour ne pas refaire d’ulcère. Il consulte son smartphone et constate avec déception qu’il n’y a aucun message. Il s’habille chaudement et se promène sous cette journée ensoleillée d’automne. Il aime Kyiv, ses collines, son architecture tsariste, ses rues pavées, surtout la descente de Saint-André (Andriyivskyy) avec ses maisons colorées. Il passe devant la maison de l’écrivain Mikhail Boulgakov. Il parcourt la ville, contemple la beauté du monastère Saint-Michel avec ses dômes dorés et ses murs bleu-ciel, celle de la Cathédrale Sainte-Sophie avec ses coupoles vertes et dorées. Il se demande pourquoi les médias étrangers ne montrent que le Maïdan et la grande avenue Krechtchatik à l’architecture stalinienne, ce qu’il y a de moins beau dans la capitale. Dans les beaux jardins du centre-ville, il s’arrête devant la statue de la jeune fille maigrichonne, mémorial du Holodomor, celui consacré aux cinq millions de victimes ukrainiennes qui ont péri à cause de la famine organisée par les Bolchéviques. Que de malheurs se sont abattus sur cette terre… Il va s’asseoir un peu plus loin et regarde du haut de la colline l’impressionnant Dniepr. De nombreuses personnes se promènent et à sa grande surprise, les Kiéviens sont devenus plus ouverts, plus souriants, plus occidentaux depuis la Révolution. Il aimerait tellement partager cet enthousiasme mais son cœur est trop lourd.

Il décide de prendre le métro et d’aller vers l’ouest, vers le parc de Babyn Yar. Ce grand jardin en forme de ravin semble paisible. Il est abrité par de nombreux arbres. Un couple de jeunes s’embrasse. Plus bas, un énorme monument soviétique vient rappeler aux promeneurs qu’ici eut lieu l’un des pires massacres qu’ait connu l’humanité, plus de 33,000 personnes, principalement des Juifs, ont été exécutées en deux jours par les Nazis avec l’aide de nationalistes ukrainiens. Le monument imposant au style très communiste rend hommage aux soviétiques tombés ici. Il faut descendre un peu plus bas pour trouver le mémorial aux victimes juives de Kiev, constitué en partie d’une grande Menorah, inauguré seulement en 2001. Il remonte le parc, s’assied et pense à toute la tragédie humaine. La vie ne pourrait être que souffrance.

« Heureusement que notre cerveau est guidé par la soif du plaisir, ce qui la rend moins pénible », pense-t-il. Le souvenir du mauvais rêve lui revient. Le relief du parc semble identique au fossé nocturne. Il croit entendre des pleurs. Il se tourne vers la gauche et aperçoit à travers les buissons un homme agenouillé, un bouquet de fleurs à la main, en train de pleurer. Il ressemble à Atanas. Il se dirige vers lui. Il entend une femme crier au loin. Il se retourne mais ne voit rien. Que c’est bizarre ! Le ton de la voix lui a paru pourtant familier. Son regard revient dans la direction de l’homme agenouillé. Personne. Que se passe-t-il ? Devient-il fou ? S’agit-il de fantômes ? Arrivé à l’endroit où l’individu était prosterné, il trouve une plaque en souvenir des centaines de roms assassinés à Babyn Yar. A côté a été posé un bouquet de roses rouges éclatantes. Il n’a donc pas rêvé. Il y avait bien quelqu’un ici. Il observe les roses et tout à coup, il remarque qu’il s’agit de sept roses, telles que celles qu’Atanas lui avait offertes à Sofia. Une coïncidence ? Peut-être qu’il ne s’agissait pas d’une vision après tout ? N’y aurait-il pas de hasard ? Il se peut qu’il y ait eu un événement ici qui le concerne directement. C’est ce qu’il ressent. Il se ressaisit un instant et survient une forte douleur abdominale l’obligeant à s’agenouiller. Il est pris de nausées. Il pleure. Ce n’est qu’après de longues minutes qu’il se relève péniblement et rentre au studio. Il appelle Stella.

– Bonjour Stella. C’est Taras.
– Hallo ! [18] Que me vaut cet appel ?
– Je suis à Kyiv où je devais rencontrer Atanas. Il n’est pas venu au rendez-vous. C’est la première fois qu’il manque à sa parole.
– Et tu ne l’as pas appelé ?
– Je n’ai pas son numéro. Il m’a imposé un mode de communication unilatéral.
– C’est plutôt embêtant…
– Dis-moi Stella, tu peux utiliser tes dons de medium pour comprendre la situation ?

Un silence de dix longues secondes et il entend Stella une longue respiration.

Non, Taras.
– Pourquoi ?
– Je ne peux pas car je suis trop proche de toi.
– Tu ne peux rien faire alors.
– Si, sans doute… Je connais quelqu’un qui pourrait t’aider à Sofia.
– Vraiment ?
– Laisse-moi la contacter.
– Merci Stella.
– Je t’en prie, Taras

***

SOFIA, BULGARIE

Lundi 20 juin 2016

Six mois plus tard, Stella et Taras se retrouvent à Sofia. Ils louent ensemble un appartement sur Airbnb. Stella a insisté pour être auprès de lui pendant les deux rendez-vous pris chez une chamane britannique qui s’est installée en Bulgarie depuis 2008. Cette femme qui a vécu en Égypte, à Londres et au Pérou a choisi Sofia car les Balkans représenteraient un point énergétique essentiel de la planète. Ici, elle canaliserait mieux que nulle part ailleurs.

Taras ©form-idea.com

Taras a beaucoup maigri depuis l’épisode de Kyiv. La disparition d’Atanas et la vision de Babyn Yar l’ont plongé dans un chagrin inconsolable. Il est las et mourir lui serait presqu’égal, ce qui inquiète Stella. Il mange peu car ses maux de ventre se sont accentués même si les médecins qu’il a consultés l’ont assuré qu’il n’y avait aucune anomalie et qu’il s’agissait d’effets psychosomatiques. Cependant, Stella est persuadée qu’il souffre d’une blessure karmique et Sue Pearl pourrait apporter les réponses qui débloqueront l’énergie de Taras.

Sue est une femme brune d’une soixantaine d’années, grande, aux épaules carrées. Dès qu’on la rencontre, on est sous l’emprise de son magnétisme. Ses grandes pupilles marron foncé transpercent la carapace du plus irréductible, tandis que son beau visage ridé et son sourire sympathique et complice rassurent le plus méfiant.

Elle salue Taras et lui demande s’il comprend l’anglais, ce qu’il confirme. Elle le prie alors de s’allonger sur un tapis de yoga et pose un oreiller sous sa tête. Elle le recouvre avec un plaid. Elle l’invite à fermer les yeux et le guide à travers une méditation. Après, elle le ramène à l’âge 5 ans, puis 3 années en arrière, quelques mois avant la naissance, lorsqu’il n’était qu’un fœtus. Et ensuite, avant cette vie… À l’aide d’un maillet en bois elle frappe sur son bol tibétain. La réaction est immédiate. Taras sent une entité entrer par ses pieds et gagner tout son corps.

Il se voit vêtu d’une dalmatique albe. Il porte une longue barbe. Il semble habiter dans un village dans les Balkans, probablement en Bosnie, à moins que ce soit en Macédoine. A côté de lui, se trouve son disciple, une femme blonde au regard intense portant une tunique blanche. Leur entourage est très respectueux car les deux ont atteint la perfection. On les appelle d’ailleurs les Parfaits. Ils sont très dogmatiques, ne mangent pas de viande, ne boivent pas d’alcool, ne mentent pas et sont abstinents. Pourtant, ils ressentent une forte attirance physique l’un pour l’autre. Ils en sont taraudés car ils craignent pour le salut de leur âme. Ils ne voudraient surtout pas revenir ici-bas après cette vie.

– Je me sens malheureux. Je me force de paraître serein. Je suis démoralisé par mes érections matinales. Je la désire. Je lutte. J’attends la mort comme une délivrance.
– Qu’est devenue votre relation ? le questionne Sue Pearl.
– Oh, c’est tragique ! Qu’ai-je fait ? Comment est-ce possible ? Nous nous sommes embrassés après un long regard lorsque nous étions seuls près du puits. Je la désire ardemment, je la possède, nous jouissons… Que c’est bon ! Que c’est dégoûtant ! Tout est gâché, tout est perdu…
– Pourquoi ?
– Après l’acte, je deviens confus, puis furieux. Par colère, je la pousse alors qu’elle était assise sur le petit rebord du puits. Quel malheur ! Je l’ai poussée trop fort. Je ne voulais pas lui faire du mal pourtant. Déséquilibrée, elle est tombée dans la profondeur du puits. Quel cauchemar ! Me voilà meurtrier ! Je ne voulais pas la tuer. Voilà que mon âme est damnée… La tentation du mal l’a emporté… Pour sauver ma peau ici-bas, je trahis sa mémoire.
– Pourquoi parlez-vous de trahison ?
– Je fais passer ce crime pour un suicide, après tout, je ne souhaitais pas sa mort. C’est terrible ! Quelle lâcheté de ma part !

Sue Pearl lui demande de revenir au présent. Après que Taras s’est reposé pendant une dizaine de minutes, Stella vient les rejoindre et ils discutent ensemble de cette session. Sue lui explique que, comme de nombreux hommes, Taras est victime du mythe de la Vierge. La pureté d’une femme passe par la chasteté ou par la maternité. Toute tentation est le fruit d’Ève, c’est la faute de la femme. Quant à Taras, il conclut qu’il existe chez lui une grande frustration sexuelle et qu’il faut qu’il apprenne à faire le lien entre sexualité et amour, qu’il ne faut pas les dissocier.

Ce à quoi Stella lui répondra que l’amour est source de plaisirs.

***

Jeudi 30 juin 2016

Taras ressent encore une forte douleur au niveau de l’abdomen. Il craint que ce soit un cancer.  

La seconde session chez Sue Pearl s’avère aussi forte en émotions :
Dès que Sue frappe le bol, Il a envie de pleurer. Il se retrouve devant ce mur, ce fossé. Il ne peut s’enfuir. On va l’abattre. Comment a-t-il pu se faire avoir ainsi ? Une mort aussi bête, une existence aussi insignifiante. Il regarde sa robe, et ces corps nus tous allongés les uns sur les autres, comme des sardines. Il pleure. Sue Pearl lui demande de se projeter deux semaines avant sa mort.
– J’ai l’impression que je suis à Kiev. Il fait beau. Je porte une jupe noire et un chemisier blanc. L’atmosphère est menaçante. Les envahisseurs sont à quelques kilomètres de la ville. Il y a un homme et deux enfants.
– Qui sont-ils ?
– Il doit être mon mari.
– Et les deux enfants ?
– Nos enfants.
– Deux garçons ?
– Non, une fille et un garçon.
– Vous êtes où ?
– À la gare. On pleure en disant au revoir aux enfants ?
– Ils vont où ?
– Loin du front, en Russie probablement.
– Et vous ?
– On reste à Kiev. On nous ordonne d’y rester.

Sue Pearl lui demande maintenant de revenir à la vieille de sa mort.
– Je suis avec le même homme. On est en train de lire une affiche.
– Que dit cette affiche ?
– Que je dois me présenter à un point de rassemblement demain matin pour y être déplacé dans une autre ville. Les Bolchevicks pratiquaient aussi les déportations vers l’Est, donc beaucoup ne sont pas trop inquiets.
– Et votre mari ?
– Lui, il peut rester. Sur son passeport interne soviétique, il a la bonne nationalité. Les enfants sont aussi russes. Ils ont pu choisir. Pas moi.
– Vous êtes juive ?
– Oui, je crois. Mais je ne veux pas me rendre à la convocation. Mon mari me demande d’y aller sinon on risque d’être fusillés tous les deux, tel que c’est spécifié sur les affiches collées sur toute la ville. Je suis vraiment réticente car je ne fais pas confiance aux occupants. Pourquoi demande-t-on uniquement aux Juifs de se rassembler ? Je suis courroucé que mon compagnon, le père de mes enfants, refuse que je reste auprès de lui à Kiev.

– On revient sur le jour fatidique.

Silence.

– Je suis au rendez-vous. Des milliers de gens sont présents. Cette foule me rassure.
– Et que se passe-t-il par la suite ?
– On attend plusieurs heures. On doit suivre une rue… la rue Mel… Melnyk ! Oui, la rue Melnyk. J’arrive plus haut vers la butte. On nous sépare en groupe de dix. On nous demande de laisser nos bagages, puis nos manteaux et nos habits. On peut entendre des fusillades. Je n’arrive pas à y croire. Quelle horreur ! Comment peut-on assassiner tant de gens. Ce n’est pas possible ! J’ai peur et j’en veux à mon mari. Je n’ai pas suivi mon intuition.
– Et ensuite ?
– Par instinct, je déchire et jette mon passeport interne. Je me dirige vers un garde ukrainien et lui dis que je suis russe et non juive. Je lui montre ma carte du syndicat sur laquelle je suis identifiée par le nom à consonance russe de mon mari. Il regarde le document et m’ordonne de rester habillée et de me mettre sur le côté. Il me sourit. Je suis soulagée. Je vois les autres partir à l’abattoir. Je reste sur le côté avec une dizaine d’autres personnes jusqu’à la fin de la journée. Un gros officier SS allemand portant un monocle arrive et demande à l’Ukrainien ce que nous faisons là. Il lui dit que nous ne sommes pas juifs. L’Allemand nous regarde avec mépris et répond qu’on nous abatte quand même. Il ne veut pas de témoins. Et en riant, il ajoute, qu’ils ne se foutent pas à poil, tuez-les avec leurs vêtements, ce sera leur privilège. Ça ne peut être la réalité ? Ce n’est pas possible… Je me sens coincée. Je me sens abandonnée à mon destin.
– Comment es-tu morte ?
– Folle de rage, je hurle et insulte cet allemand de vieux porc. Son rire se fige et il sort son arme et me tue devant les autres condamnés de trois balles dans le ventre. À ce moment, je pense à mes deux enfants que je ne reverrai plus.

Sue Pearl lui demande de se détendre et de revenir progressivement en 2016. La douleur au ventre qu’il ressent souvent a complètement disparu. Bien qu’il vienne de vivre une thérapie douloureuse, il se sent bizarrement plus léger. Sue Pearl lui annonce que les deux sessions qu’il a eues ont un rapport avec ce qu’il vit aujourd’hui et qu’il n’a désormais plus besoin de son aide. Elle lui demande de penser au sentiment d’abandon et de trahison.

***

Par la suite Stella sera le meilleur soutien de Taras. Ensemble, ils essaient d’interpréter les deux voyages temporels qu’il a vécus chez Madame Pearl. Et les deux déduisent qu’Atanas était, a posteriori, la compagne bogomile en Bosnie et le mari couard à Kiev. Petit à petit, tout fait sens à Taras et il peut enfin expliquer l’étrange épisode où Atanas voulait absolument présenter ses deux enfants, une fille et un garçon, comme à Kiev. 

Le plus étonnant est que depuis la dernière session avec Sue, il ne ressent plus cette douleur à l’abdomen. Et puis, peu importe si ces thérapies régressives ne sont que le fruit de son imagination. Le principal est qu’elles lui ont servi à faire disparaître les maux dont il souffrait et lui ont permis de surmonter l’amour fou.

Stella et Taras deviennent plus proches et durant l’année qui suit, il se déplace régulièrement à Berlin.

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Épilogue ⇒ Cliquez ici, Page 6
Le jeudi 24 février 2022


[18] « Salut » en allemand.

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